Transat Café L'Or : sans foils, mais avec panache
Sur 18 IMOCA au départ de la TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie, 5 sont dépourvus de foils. Moins rapides que leurs 13 autres camarades, certes, ils n’ont pas moins l’envie de performer, à leur échelle, livrant une bataille différente.
Café Joyeux, premier bateau à dérive
Lundi 10 novembre, le ponton d’honneur a connu une rare ferveur. Des dizaines "d’équipiers" joyeux avaient pris possession des lieux pour réserver un accueil plus que chaleureux à leurs skippers Nicolas d’Estais et Simon Koster. "Franchement on ne s'attendait pas à avoir un comité d'accueil aussi nombreux", répond Nicolas, ému, pour ses premiers mots. Il vient de terminer sa première transatlantique en IMOCA et pas à n’importe quelle place, 13e au classement général et premier bateau à dérive après 15 jours 9 heures 31 min et 16 sec de course.
Naviguer sur un IMOCA était un rêve de gosse pour Nicolas. Alors remporter le match des bateaux à dérive (sans foils) pour une première traversée, c’est "un peu irréel" et surtout grisant. "Une transat en IMOCA, on en fait pas tous les jours", sourit le skipper. "Être au départ d'une grande course comme ça, sur mon propre bateau et être là à l’arrivée, ça fait un peu bizarre mais c'est juste génial." Une performance qu’il n’aurait pas pu réaliser sans son co-skipper, Simon Koster. "J'avais besoin de son expérience et on s'est bien amusés. Il y a encore deux mois, je n’avais jamais fait d'IMOCA et sans Simon je pense que je n’en serais pas là. On vient du même moule, du mini, du Class40. Il avait un cran d'avance en IMOCA donc je profite de cette expérience."
Si le Lorientais d’adoption reste humble, il a su très vite s’approprier sa nouvelle machine. "Nico, il a une logique qui me correspond bien", explique Simon à ses côtés, encore en train de siroter sa noix de coco. "C'est facile de lui montrer 2-3 trucs et on a trouvé notre rythme à bord. On a réussi à bien faire marcher le bateau ensemble et le résultat est là, on est arrivé à être le premier bateau à dérive."
Le duo Duc-Suzuki, deux marins, deux visions
33 heures après Café Joyeux, Louis Duc et Masa Suzuki ont franchi à leur tour la ligne d’arrivée. Un dernier bord un peu plus long que prévu mais pas désagréable aux dires de Louis. "Le bateau à voile, quand il n'y a pas de mer, ce n'est pas si mal que ça. On avance à 2 nœuds, tranquille. On voit l'arrivée qui se profile. Ça permet de reprendre un petit café tranquillement en baie de Fort-de-France." Il y a encore quelques mois le duo ne se connaissait pas. Ils n’avaient fait que cinq jours de navigation ensemble avant la TRANSAT CAFÉ L’OR. Masa, qui doit récupérer le bateau de Louis à l’issue du convoyage retour, avoue avoir appris beaucoup de son nouveau mentor. "C’est la première fois que je navigue sur un IMOCA et c'est le plus grand bateau sur lequel j'ai navigué. En Mini et en Class40, on peut se permettre de faire des erreurs, pas sur un IMOCA. Il est très important de ne pas en faire et Louis était très doué pour cela. Dans les manœuvres, je veux être rapide, rapide, rapide, et Louis le fait lentement, point par point, en pointant du doigt pour s'assurer que tout est correct. Il s'assure que vous vérifiez tout."
Un apprentissage qui s’est révélé réciproque. "Masa est très cartésien", raconte Louis en dressant son portrait. "Il a besoin d'avoir des infos précises. De mon côté, j’y vais un peu plus au feeling. On a deux façons de faire différentes et finalement, il me pousse un peu dans mes retranchements." Des manières différentes de voir et de faire les choses qui les ont fait progresser tous les deux et qui ont vu naitre le début d'une belle amitié. "Masa est un personnage très attachant, très sympathique", poursuit Louis. "Et même si au début, on ne parle pas la même langue, finalement, on arrive tout le temps à se comprendre. Je crois que maintenant, il n’a plus besoin de moi sur ce bateau."
Le duel des dérives
S’il est difficile de rivaliser avec les bateaux de dernière génération à l’avant de la flotte, un autre match s’est joué en deuxième rideau sur l’eau. Au départ du Havre, Café Joyeux et Fives Group - Lantana Environnement sont au coude à coude. "On s'est tiré un peu la bourre au début jusqu’aux Canaries", raconte Louis. "On a eu un léger espoir en étant un petit peu plus calés au nord qu'eux, entre le Cap Vert et les Canaries. Ensuite, on a vu qu'ils étaient plus rapides que nous." Si leur bateau avance mieux que Café Joyeux sur certaines allures, ce qui les "embêtait un peu" sourit Louis, passés les archipels, Nicolas d’Estais et Simon Koster commencent à distancer leurs rivaux. "Rapidement, on a su prendre l'avantage dans cette "sous-bataille" des bateaux à dérive, donc on était super contents", raconte Nicolas. "C’est bien d'avoir une sorte d’émulation saine avec les autres bateaux à dérive. Après, c'est un seul classement, on fait la course contre tout le monde et on ne se met pas de barrières."
En effet, la tête de flotte est déjà loin mais Café Joyeux rivalise un temps avec Paprec Arkéa et Les P’tits Doudous, en retard tous les deux suite à des avaries et des arrêts techniques. "On a essayé, ça n’a pas marché", confie Nicolas. "Si on avait pu mettre d'autres foilers derrière nous, on l'aurait fait."
Pour Louis Duc, tout est une question de moyens. "Ce qu’il y a à retenir sur cette transat, c’est que si tu es en IMOCA, pour gagner 24 h, faut multiplier le prix de ton bateau par deux, donc finalement on est content de notre place." Une quatorzième place qu’il occupe depuis maintenant trois éditions de la Route du café. "A défaut de progresser au classement, on s’est dit qu'on allait miser sur le numéro 14 au loto", conclut le Caennais, toujours avec ce sourire et cette gouaille qui le caractérisent si bien.
