Ocean One K, le robot humanoïde qui ouvre les abysses à l’homme

Plongée
Par Le Figaro Nautisme

Plonger à 1 000 m, manipuler des objets fragiles, explorer des épaves figées depuis des siècles : Ocean One K, conçu par Stanford avec le soutien du DRASSM (le département français des recherches archéologiques), transforme l’exploration sous-marine en donnant aux scientifiques la possibilité d’agir dans les profondeurs comme s’ils y étaient. Ce robot humanoïde, à mi-chemin entre l’outil scientifique et l’avatar, inaugure une manière totalement nouvelle de travailler sous l’eau.

Plonger à 1 000 m, manipuler des objets fragiles, explorer des épaves figées depuis des siècles : Ocean One K, conçu par Stanford avec le soutien du DRASSM (le département français des recherches archéologiques), transforme l’exploration sous-marine en donnant aux scientifiques la possibilité d’agir dans les profondeurs comme s’ils y étaient. Ce robot humanoïde, à mi-chemin entre l’outil scientifique et l’avatar, inaugure une manière totalement nouvelle de travailler sous l’eau.
© Osada/Seguin/DRASSM

Un projet né d’une alliance franco-américaine

L’histoire commence au Stanford Robotics Lab, où le professeur Oussama Khatib cherche depuis des années à créer un robot capable de retransmettre les sensations humaines en milieu sous-marin. Le premier prototype, Ocean One, a servi de base pour la version K, spécialement pensée pour les plongées profondes.
La collaboration avec le DRASSM, l’institution française chargée de l’archéologie subaquatique, a été déterminante. Les équipes françaises ont apporté leur expertise des sites, des contraintes de terrain et des besoins réels des plongeurs-archéologues. Ensemble, elles ont façonné un robot capable d’évoluer là où aucune intervention humaine n’est possible, tout en conservant la finesse d’un geste humain.
Le design du robot en dit long sur cette ambition : un torse et une tête humanoïdes, deux bras articulés, des mains capables de pression millimétrée et des propulseurs arrière qui lui permettent de se stabiliser dans la colonne d’eau sans dériver. L’objectif n’a jamais été de faire joli, mais d’imbriquer la logique de la robotique dans les habitudes des plongeurs, afin qu’un opérateur puisse agir naturellement, instinctivement.

Pourquoi un robot humanoïde ? Une réponse technologique à une contrainte humaine

Dans les grands fonds, la question n’est pas seulement de voir mais d’agir. Manipuler un fragment d’amphore, déplacer une planche, ouvrir une trappe, observer une fissure : autant de gestes impossibles avec les outils rigides des robots classiques. Ocean One K a été pensé comme un corps de substitution, connecté en temps réel à un pilote resté en surface.
La vision stéréoscopique plonge l’opérateur dans l’environnement profond, tandis que le retour haptique transmet les sensations de résistance, de texture et de pression.
Cette retranscription du toucher est au cœur du succès du robot : elle permet des gestes précis qui « ressemblent » à ceux d’un plongeur expert, mais à des profondeurs qu’aucun humain ne pourrait atteindre.
La forme humanoïde répond donc à une logique simple : mimer l’humain pour lui permettre d’habiter le robot, de prolonger son savoir-faire, et de déplacer sa présence corporelle dans les abysses sans risque.

© Osada/Seguin/DRASSM

Pourquoi descendre dans les abysses ? Un musée invisible sous nos pieds

Les profondeurs sont considérées comme l’une des dernières zones inexplorées de la planète. Elles recèlent des épaves intactes, des matériaux préservés par la pression, des traces d’histoires humaines oubliées. Beaucoup de navires n’ont jamais été étudiés parce qu’ils reposent entre 500 et 1 000 m, une zone hors de portée des équipes subaquatiques traditionnelles.
Pour les archéologues du DRASSM, Ocean One K est une révolution.
Il permet :

o d’observer sans dégrader,
o de prélever sans casser,
o de filmer des zones en surplomb,
o de documenter des structures fragiles soumises à l’érosion.

La robotique profonde existait déjà, mais jamais avec cette finesse du geste et cette capacité de manipulation. Ocean One K n’est pas seulement un explorateur ; c’est un intervenant, capable d’agir.

Des missions qui ont prouvé sa valeur scientifique

Depuis son déploiement, Ocean One K a participé à plusieurs campagnes remarquables, montrant la polyvalence du système.
Il a notamment exploré :

o l’épave du Francesco Crispi, par 507 m, où il a pu manœuvrer autour de la coque et inspecter les zones dégradées ;
o un navire romain près d’Aléria, à 334 m, d’où il a extrait délicatement une lampe à huile enfouie dans les sédiments ;
o des sites profonds jusqu’à 852 m, où il a filmé des zones jamais documentées auparavant ;
o le sous-marin Protée, où ses capteurs haptiques ont permis d’examiner l’intérieur de fissures étroites.

L’un des moments marquants reste la manipulation d’objets anciens : l’opérateur ressentait à distance la résistance du sédiment et la fragilité du matériau. Une première mondiale à cette profondeur.
Ces missions ont validé sa stabilité, son autonomie énergétique, la précision de ses bras et surtout la qualité de l’interface homme-machine, qui permet une immersion mentale totale.

Un outil pensé pour transformer les métiers de la mer

Au-delà de l’archéologie, les perspectives ouvertes par Ocean One K sont considérables.
Le robot pourrait intervenir :

o sur des infrastructures sous-marines sensibles,
o dans la maintenance de câbles ou pipelines,
o lors d’études environnementales en zones profondes,
o pour l’exploration de milieux extrêmes difficiles d’accès,
o dans des missions de documentation scientifique à long terme.

Son principe d’avatar robotique ouvre la voie à une nouvelle manière de travailler. Les humains resteront en surface, mais agissent au fond, avec leurs gestes et leur sensibilité. Cette idée, longtemps cantonnée à la science-fiction, devient aujourd’hui une option crédible pour sécuriser de nombreuses interventions difficiles.

Un nouvel acteur de la connaissance scientifique

L’arrivée d’Ocean One K marque un tournant. En fusionnant la mobilité d’un robot et l’intuition d’un plongeur, il offre une approche totalement nouvelle des profondeurs. Il ne s'agit plus seulement d’envoyer une machine, mais de projeter l’humain là où il ne peut aller.
Ses premières missions montrent qu’il est déjà capable d’apporter des réponses scientifiques inédites. À mesure que les technologies s’affinent, ce robot humanoïde pourrait permettre de reconstituer des pans entiers de l’histoire maritime et de faciliter l’accès à des zones qui étaient, jusqu’ici, condamnées à rester inaccessibles et invisibles.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.