
Après avoir franchi le Cap Horn, il reste encore un deuxième objectif à réaliser pour Bruno Sroka : réaliser une distance de 100 miles nautiques, au coeur d'une mer déchainée...
Les éléments se déchaînent Jour 6 : Cette nuit de tempête ne fut pas la plus reposante. A 6h du matin, Wolf me réveille et me dit “Bruno, c’est maintenant ou jamais ! “. La prévision est musclée mais les conditions seront encore plus mauvaises les jours suivants. Cette dépression fut la première attaque hivernale dans cette région : la température est négative, l’eau proche de 0°C et le vent souffle avec des pointes à plus de 40 nœuds. Je m’équipe de ma voile 7 mètres et je me mets à l’eau. Le vrai Cap Horn se révèle à nous: dur, intense et inhospitalier. En s’approchant du Cap Horn, la mer devient plus hachée et la grosse houle tamponne sur l’archipel. J’ai l’impression d’être dans un champ de bosses. Ça tape fort à chaque clapot, il est impossible de prévoir le plan d’eau, je subis le ressac des îles. Pendant près de 2h, la grêle et la pluie viennent me fouetter le visage. Dans ma tête je me dis, “c’est ça le vrai Cap Horn“. En m’approchant de la pointe du Horn, la grêle s’arrête enfin et laisse les rayons du soleil percer les nuages qui se reflètent sur le Cap avec une eau presque turquoise et une herbe verte sur les collines. Le gris sombre des nuages rend ce spectacle dramatique. Mais ce répit n’est que de courte durée, la neige et la grêle reprennent. Nous continuons à avancer malgré des conditions de navigation difficiles. Ce qui m’a semblé le plus compliqué dans cette traversée est le fait de ne pas savoir où j’allais. La visibilité était presque nulle. Mon seul repère fut mon bateau. Le temps passe, cela fait plus de 4h que je navigue dans des conditions extrêmes. Malgré le froid, je n’ai pas froid intérieurement, je commence juste à être fatigué de me prendre les “coups de points” des éléments. Mais de temps en temps, ils se calment pour laisser apparaitre des spectacles de Mère Nature. Des dauphins sont venus jouer avec le bateau, des albatros avec mon aile et des otaries me prenaient en chasse. Progressivement, je prends la direction du Canal de Beagle. A ce moment, le vent change de direction. Il devient Nord, exactement la direction dans laquelle je dois aller. J’ai très vite compris que les 5 dernières heures de navigation allaient se traduire par une énorme remontée au vent. Même si à plusieurs reprises le doute s’est installé en moi sur ma capacité à réaliser ce projet, je ne pouvais pas, même malgré la fatigue, m’arrêter et me reposer. Mes gestes étaient moins précis, je sentais la fatigue m’envahir. Comment abandonner si près du but ? Et même si je dois puiser tout au fond de moi le peu d’énergie restant, je ne m’arrêterais pas. Je me raccroche à ces petits moments de répits avec la nature, les dauphins, les albatros et autres créatures marines pour me donner la force de continuer à avancer. Je pensais à toutes ces personnes qui m’ont fait confiance. Impossible de revenir à terre sans avoir atteint mon objectif ! La nuit pointe le bout de son nez et nous commençons à apercevoir la Cordillère des Andes et le Canal de Beagle. Je reprends espoir, plus que quelques heures de navigation et mon rêve sera atteint. Je suis le premier homme à avoir franchi le Cap Horn en kitesurf Aux alentours de 18h, Wolf m’appelle à la VHF et me confirme que je viens de réaliser les 100 miles nautiques depuis le départ. Difficile de faire exploser ma joie, je dois encore réussir à remonter sur le bateau dans une mer formée, surtout après 9h de navigation. Je récupère mon matériel et je lis sur les visages de mon équipe la fatigue et la joie. Le Cap Horn vient d’être franchi en kitesurf sur une distance de 100 miles nautiques ! Je suis le premier et le seul homme à avoir franchi ce fameux Cap en kitesurf. J’ai encore du mal à réaliser. Nous continuons notre route pour trouver un mouillage de fortune pour dormir et j’en profite pour manger et me réchauffer. J’ai perdu 4 kg sur cette traversée tellement j’ai puisé dans mes ressources. L’adrénaline était trop forte, je n’ai même pas réussi à dormir de la nuit. J’ai repensé à cette traversée. Je commence à peine à réaliser l’exploit que je viens de faire. Jour 7 : Le lendemain, nous reprenons la route d’Ushuaïa où 20 cm de neige nous attendent : l’hiver vient d’arriver dans cette région. A quelques jours près, je n’aurai jamais pu réussir le passage du Cap en kitesurf. Ce premier projet d’aventures m’a appris beaucoup de choses et m’a aidé à me construire, prendre conscience que tout était possible malgré les difficultés. Ce n’est jamais facile mais avec la motivation et la persévérance, tout devient possible. Il y a ceux qui rêvent leur vie et ceux qui vivent leurs rêves. Je fais partie de cette seconde catégorie. Cette aventure m’a marquée au fer rouge, comme toute mon équipe. Il n’y a pas une semaine où je ne pense pas à ce Cap Horn. Je rêve d’y retourner, je rêve de le repasser. Je veux vivre d’autres aventures !