Il a été pendant 21 ans le second du commandant Cousteau et a parcouru avec lui les mers du monde entier. A 88 ans, André Laban cultive toujours sa passion du Grand Bleu avec des peintures, notamment sous l'eau, après avoir participé à des documentaires à succès.
L'histoire de ce poète, peintre et cinéaste, c'est d'abord celle de la rencontre de sa vie avec "le pacha". Sur la plage arrière de la Calypso amarrée au Vieux Port. C'était en 1952, mais ce Marseillais, passionné de l'OM, qui venait de décrocher son diplôme d'ingénieur chimiste s'en souvient comme si c'était hier. Il raconte: "J'avais entendu qu'il cherchait un ingénieur. ''Que sais-tu faire ?' m'a-t-il demandé. Rien, mais je sais bricoler, ai-je répondu. 'On va faire un essai d'une semaine', m'a dit Cousteau. Ça a duré deux décennies". "J'avais vu ses premiers films, ça m'avait attiré", précise-t-il.
En 1954, Cousteau lui fait une commande: concevoir une caméra avec un boitier résistant à la pression et protecteur de la lumière. Six mois après, avec deux équipiers, il a conçu et fabriqué "la première caméra 35 mm en PVC". C'est avec cette caméra que le "Monde du silence", mis en scène par Louis Malle, est tourné. Un triomphe. Palme d'or à Cannes en 1956, Oscar du meilleur documentaire. "Sans Cousteau, ce film n'aurait pas existé. Sans Louis Malle, qui débutait, il n'aurait pas été aussi beau", commente M. Laban.
Sa collaboration avec Cousteau s'enrichira ensuite de tournages à 350 m de profondeur avec la soucoupe plongeante SP-350 Denise qu'il pilotait et de la coréalisation de deux films.
En 1965, il y aura aussi Précontinent 3 au Cap-Ferrat, une expérience de vie commune pendant trois semaines à 100 m de profondeur. Cette première mondiale suscitera une nouvelle passion: la peinture sous l'eau.
Sa dernière oeuvre sous-marine a été réalisée en 2015. Mais même s'il avoue craindre le froid, il espère enfiler en 2017 son scaphandre, mettre ses bouteilles et prendre son couteau pour faire un nouveau tableau.
"Quand je sors de l'eau, je retouche jusqu'à que je sois satisfait. Cela me prend parfois autant de temps que sous l'eau", explique Laban, qui a commencé la peinture à 11 ans et peint toujours dans son atelier. Tout en bleu. Il plaisante: "Ma cote est faible, mais quand je serai mort..."
La rupture d'avec Cousteau, au début des années 70, pour des raisons financières, lui a été insupportable. "Il n'avait pas le droit de me virer comme ça", affirme-t-il. "J'avais eu de l'admiration. Je l'ai détesté", admet-il avant de tempérer: "Je suis fier d'avoir été son second. Je reconnais que tout ce que j'ai appris, je le lui dois".
Ce rejet lui a ouvert les yeux. Il s'est aperçu qu'il pouvait exister. "J'en avais assez des films avec de la teinture écologique et les commentaires de Cousteau expliquant à un scientifique ce que le scientifique aurait dû lui expliquer", dit-il.
L'amateur d'humour voulait amener des sourires, faire des films dans lesquels les images seraient mises en valeur par la musique et les effets sonores.
C'est une réussite: Palme d'or du festival mondial de l'image sous-marine avec "Iris et Oniris" (1996) ou encore prix de l'humour au festival d'Antibes avec le documentaire "Neptunia" (2007).
Plein d'esprit, Laban ne résiste jamais à un bon mot. Quitte à égratigner l'icône. Cousteau? "Il n'était pas écologiste mais 'égologiste'. Et moi j'ai été l'une des belles pierres pour l'aider à arriver en haut de la pyramide qu'il voulait construire".