« Les jeux sont faits, rien ne va plus ». La boule de la roulette tourne comme le vent de Nord-Ouest de mercredi qui a pris une composante plus Nord en fin de nuit. Un changement radical qui pourrait mettre à mal l’option du grand large sur laquelle misait une bonne partie des leaders au passage de Ouessant. Avec Yann Eliès (St Michel) en ouvreur suivi par Thomas Ruyant (Advens-La fondation de la mer), Xavier Macaire (Groupe SNEF) ou Adrien Hardy (Sans nature, pas de futur). Car à une vingtaine de milles plus au Nord-Est, ce sont les partisans de la voie intérieure qui semblent s’en sortir le mieux : Pierre Leboucher (Guyot environnement) devance Yoann Richomme (HelloWork-Groupe Télégramme) et les deux novices Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir) et Benjamin Schwartz (Action contre la faim). Et encore plus à l’Est (15 milles), Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) reste un épouvantail sur ce finish qui annonce moult rebondissements.
Car il reste encore plus de cent milles pour atteindre Kinsale ! Le phare irlandais est en effet à près de cinquante milles à l’Ouest de la ligne d’arrivée et rien n’est vraiment établi quant aux conditions météorologiques le long des côtes irlandaises… Si dans cette journée de jeudi, la brise revient de secteur Nord-Ouest comme prévue mais bien faible, le sprint final va être très compliqué avec les courants de marée qui sévissent au Sud de l’Eire. Surtout qu’un regroupement des deux groupes est fort probable à l’approche du Fastnet !
La « louche celtique » d’Armel Le Cléac’h était certes courageuse et superbe : le solitaire est même passé par l’intérieur des Scilly pour revenir vers l’Irlande avec une jolie brise favorable. Mais si le flux ne tourne pas au Nord-Est, il a peu de chances de recoller au peloton central qui a, lui, réalisé une belle « cuillère » depuis Ouessant en revenant progressivement sur la route directe grâce à quelques bouffées d’air de secteur Ouest. Enfin les partisans de l’Ouest ont encore des arguments pour ce rush final même si la bascule de vent de cette fin de nuit ne leur est pas trop favorable. Ils étaient leaders après avoir débordé le DST Ouessant et ont pu grappiller les milles jusqu’à minuit, mais ce revirement éolien les remet en ballottage défavorable.
Ce sont donc ces derniers cinquante milles en direction du phare irlandais qui vont jouer les juges de paix : si le vent ne s’installe pas durablement au lever du jour, tout est encore imaginable. Mais à ce rythme de tortue, cette fin d’étape va encore tirer sur les organismes et surtout mettre le doute dans le mental : après quatre jours et quatre nuits de mer, la sensibilité est exacerbée…