D'un salon de coiffure aux eaux d'un port varois, en passant par une entreprise d'insertion: au lieu de finir à la poubelle, les cheveux coupés par Thierry Gras sont transformés en boudins pour contribuer à dépolluer la Méditerranée. "Le cheveu est lipophile, c'est-à-dire qu'il absorbe les graisses et les hydrocarbures", explique à l'AFP le coiffeur à l'origine de cette initiative depuis son salon de Saint-Zacharie, dans le sud-est de la France. Grâce aux boudins absorbants remplis de mèches, il espère lutter "contre la pollution, même infime" de l'eau des ports.
Utilisée depuis des années pendant les marées noires, cette technique est "intéressante" car elle "valorise des déchets dans de la dépollution", note Naoufel Haddour, maître de conférence à l'Ecole centrale de Lyon qui travaille sur d'autres techniques de traitement des eaux pollués. Chaque année, un coiffeur produit environ 29 kg de cheveux qui finissent la plupart du temps à la poubelle, raconte M. Gras en train de couper les mèches colorées d'un client.
Enfant, il avait été marqué par le naufrage en 1978 de l'Amoco Cadiz, lors duquel des cheveux avaient été utilisés pour éponger plus de 200.000 tonnes d'hydrocarbures déversées sur le littoral breton. D'où son étonnement en commençant sa carrière de coiffeur de constater qu'aucune filière de recyclage n'existait. C'est à ce moment là qu'a germé l'idée d'utiliser les mèches coupées pour remplir des boudins entourés de bas en nylon afin d'absorber les résidus d'hydrocarbures dans les ports.
En 2015, il a fondé l'association des Coiffeurs justes, un réseau de 3.300 professionnels qui lui envoient des mèches coupées. "On peut les utiliser en cas de grave accident pétrolier comme c'est arrivé récemment à l'île Maurice, mais l'idée ici c'est de dépolluer de manière récurrente toutes les micro-pollutions", détaille le coiffeur.
Aujourd'hui, dans un entrepôt de Brignoles, à 30 kilomètres de son salon, 40 tonnes de cheveux attendent le début de la production à grande échelle de boudins antipollution, qui devrait démarrer après des tests dans le port de Cavalaire-sur-Mer.
Dans des sacs en papier remplis de deux kilos de cheveux chacun : le fruit des coupes de coiffeurs d'Ile-de-France, de Bretagne et même d'Allemagne ou du Luxembourg.