Vignes, éoliennes, tourisme : Belle-Ile attire de nombreux projets d'investisseurs, au point d'inquiéter insulaires et résidents secondaires qui craignent de voir cette île du Morbihan perdre la maîtrise de son développement et de son avenir.
Éric Guillot ne s'y attendait pas : sa pétition "pour préserver" Belle-Ile-en-Mer, lancée fin juillet, fait un carton, rassemblant plus de 13.000 signatures. "C'est à Belle-Ile de garder la maîtrise de son avenir et la préservation de son identité", peut-on lire sur change.org. "Je ne m'attendais pas à un chiffre pareil", commente, à la terrasse d'un café de Palais, principale commune de l'île, ce chef d'entreprise de Vannes qui possède une résidence secondaire sur Belle-Ile. Son texte énumère quelques-uns des projets qui pourraient mettre en péril le caractère unique de l'île aux yeux des signataires: "éoliennes flottantes", "tourisme", "investisseurs". "A qui profiteront réellement ces transformations? Belle-Ile, un nouvel eldorado de la finance sans scrupule?" interroge-t-il.
"On sent à l'heure actuelle une tendance, des projets lancés par des groupes financiers pour capter l'image de Belle-Ile", déplore Catherine Maréchal-Gouée, présidente de l'association Union Belliloise pour l'environnement et le développement.
Si le parc éolien flottant en est encore aux préliminaires, un projet viticole porté par Christian Latouche, 56ème fortune de France selon Challenges, envisagé sur une vingtaine d'hectares, dont des parcelles proches de la mer classées Natura 2000, inquiète. M. Latouche "cible des sites en bord de mer pour des raisons marketing", accuse Gilles Smadja, de l'association "La Bruyère Vagabonde".
Deux autres projets concernent des investissements à vocation touristique sur une île qui manque cruellement de logements accessibles aux 5.500 insulaires, s'accordent à dire associations et élus. Le premier, vieux d'une dizaine d'années, Penecam, est prévu sur l'une des rares réserves foncières aux portes de Palais. Le second, "Terra Lodges Resort", se veut dans l'air du temps: "votre lodge éco-conçu en pleine nature" avec services, piscine, peut-on lire sur le site internet du promoteur. Ces projets sont "comme des symptômes", analyse Claire Liagre, vétérinaire et membre de "Chemin faisan", une association qui cible notamment la problématique du logement. "Il y a un décalage de pouvoir d'achat catastrophique entre les travailleurs ici" et les personnes de l'extérieur qui viennent acheter un bien, assure-t-elle.
Du travail, il y en a sur l'île, mais que des insulaires soient contraints de partir faute de logements abordables, "c'est terrible", considère Mme Huchet, rappelant que certains "ont perdu la constructibilité de leur terrain" du fait de la loi Littoral. "Sur l'île, on a plus de 60% de résidences secondaires. Au bout d'un moment, ça commence à devenir compliqué", constate-t-elle. Parmi les personnes qui "viennent investir ici, certaines le font pour leur tranquillité et voudraient que l'île se fige", regrette-t-elle, mais "l'argent ne donne pas tous les droits".
Concernant le tourisme, l'île, qui accueille 380.000 visiteurs par an, attire "de nouveaux investisseurs", observe-t-il, et des hôtels "familiaux" depuis des années sont effectivement passés récemment aux mains de financiers extérieurs.
"Belle-Ile ne doit pas devenir une île de riches (...) Il faut que les Bellilois puissent vivre sur leur île; sinon, ce sera une île morte", craint Éric Guillot.