MOTS DU BORD. Alors qu’il est le prochain attendu sur la ligne d’ici une poignée d’heures, Martin Le Pape (Fondation Stargardt) revient sur sa 8e transatlantique et évoque des conditions « extrêmement éprouvantes pour le bateau et l’homme ». Kito de Pavant (HBF Reforest’Action), Axel Trehin (Project Rescue Ocean), Emmanuel Le Roch (Edenred), Alex Mehran (Polka Dot) et Ian Lipinski (Crédit Mutuel) sont attendus dans la soirée (heure de Guadeloupe). Dans leurs mots du bord, les skippers font tous part de leur hâte d’arriver, à l’instar de Franz Bouvet (Yoda). D’autres reviennent sur les petites galères du moment : le bateau couché d’Emmanuel Le Roch (Edenred), le spi tombé à l’eau de Marc Lepesqueux (Curium life forward) ou encore le coup de chaud de Maxime Cauwe (Wisper)…
Martin Le Pape (Fondation : « la transat la plus difficile de toutes »
À quelques heures de son arrivée
« C’est en voyant les lumières de la Guadeloupe de nuit qu’on prend conscience de ce que l’on vient d’accomplir. Une traversée de l’Atlantique en solitaire entre St Malo et la Guadeloupe. Banal pour un marin, pas si extrême que ça par rapport à un Vendée Globe me diriez-vous ? Et pourtant cette transatlantique (8ème pour moi) a été sans aucun doute la plus difficile de toutes. Les conditions météos étaient extrêmement éprouvantes pour le bateau et l’homme. L’environnement était stressant et les périodes de répit toujours trop courtes. Il n’y a qu’aujourd’hui que j’ai pu passer quelques minutes à l’avant du bateau sans être accroché et trempé. Cela résume l’ambiance de cette transat. Le bateau a été chahuté, mais le marin aussi. Je pense que j’ai encore perdu quelques points de vie et gagné des cheveux blancs."
Emmanuel Le Roch (Edenred) : « être en forme pour le finish ! »
« Oh la belle nuit ! Il y avait des grains forts, très forts partout, c’était du grand n’importe quoi…. Je me suis couché sur l’eau. Ma hantise, c’est que le spi claque et qu’il casse si près du but. J’arrive à redresser et à réduire et là, plus de vent ! Le grain d’après était sans vent. J’étais bien assuré « ceinture et bretelles » avec 2 ris. J’attends un peu, je me dis qu’on n’est pas à l’abri d’une surprise et rien. Je renvoie les 2 ris, vide les ballasts, rééquilibre les poids.
J’étais fou, bloqué sous ce grain sans vent qui n’en finissait pas ! Dans la tête à ce moment-là, c’est du grand n’importe quoi aussi ! Je me fais des scénarios où les bateaux autours ne subissent pas ce fameux grain…. Je vais me poser 30 minutes, j’étais cramé. Et ensuite, le vent repart peu à peu et les bateaux autour sont toujours à distance respectable… Mais en tout cas, c’est sûr que je n’ai rien gagné. C’était l’avant-dernière journée en mer. Au programme aujourd’hui : vitesse et dodo pour être en forme sur le finish ! »
Marc Lepesqueux (Curium life forward) : “j’étais fou de rage »
“La nuit ne s’est pas trop mal déroulée avec un ciel étoilé et pas de grain. Ouf ! Ce matin, beau soleil. J’ai décidé de renvoyer le spi A2, le tout grand, même si le A4 eu été préférable mais lui est en lambeaux dans son sac, sur la jupe arrière du bateau. Cela se passait bien, le bateau glissait bien avec les 200 m² du A2.
Je repère au passage, au pied de mat, une pièce qui permet de fixer la bôme sur le mât, seule, sur le pont ! J'ai réparé cela, pas facile, mais c'est une bonne chose de faite ! Il y a une heure environ, le spi A2 est tombé complètement et rapidement à l'eau. C'est un "put....." de Constrictor qui a glissé ! Le grand spi sous le bateau, j'étais fou de rage ! Il est bien endommagé même si lui, contrairement au A4, devrait, après un bon passage en voilerie, voler au vent à nouveau.
Je vais donc finir avec mon spi lourd A6, alors que le vent mollit. Cela va être une fin de course plus paisible. Je vais faire mon possible pour limiter les dégâts au classement mais Andrea Fornaro et Cédric Château vont être dur à tenir ou à reprendre. Clairemen, j’ai eu un manque de navigation en amont de la Route du Rhum sur ce beau nouveau bateau. L'objectif va être de préparer la suite ! »
Maxime Cawe (Wisper) : « pour vite repartir, il faut vite arriver ! »
« Tout va bien, forcément avec moins de voile. Il y a moins cette histoire de choix cornélien de "quel spi je vais mettre ?". Il ne m’en reste qu'un seul et le grand donc j'alterne entre spi et code 0. Aujourd'hui je pense avoir frôlé le coup de chaud en renvoyant le spi justement, en plein soleil sans trop m'en rendre compte. J'étais KO et j'ai passé l'après-midi avec une casquette trempée sur le casque pour faire redescendre tout ça.
Sinon ça va. On approche de la barre des moins de 1 000 nm de l'arrivée donc ça c'est cool même si c'est un vrai plaisir d'être comme ça dans les alizés au soleil ! J'ai hâte d'arriver forcément mais je suis sûr que cette vue à 360° sur la mer et ce ciel étoilé comme nulle part me manqueront immédiatement. Comme on dit, pour vite repartir, il faut vite arriver !"
Franz Bouvet (Yoda) : « j’ai hâte d’arriver ! »
« La nuit dernière a été agitée avec un spi déchiré à récupérer dans l'eau. Et là, c'est reparti avec le grand spi. Je commence à avoir hâte d'arriver. Les bords de spi de plusieurs jours sont très longs. On n'en voit pas le bout. Pas grand-chose à signaler à part deux poissons volants échoués sur le pont et de plus en plus d'algues. Bonne journée ! »