
Infatigable Jean-Louis Étienne ! Après ses expéditions polaires, en traîneau ou en ballon, le médecin explorateur de 68 ans se lance dans une nouvelle aventure : le projet d’une tour flottante de 120 m de haut, le Polar Pod. Cet étonnant vaisseau est destiné à faire le tour de l’Antarctique. Rencontre à Brest où il teste un prototype miniature dans le bassin de l’Ifremer.
Nautisme.com - Pourquoi avoir imaginé le Polar Pod ?
Jean-Louis Étienne - Pour explorer l’océan austral qui reste un monde quasi-inconnu car il est très éloigné. Les scientifiques disposent de données apportées par les satellites ou par les éléphants de mer et albatros équipés de capteurs mais ce n’est pas suffisant. Et y envoyer un navire coûte une fortune. J’ai donc imaginé un flotteur qui dérivera autour de l’Antarctique.
À le voir sur l’eau, il ressemble à un robot…
J-L E. - C’est en fait un navire même s’il est aussi haut que le deuxième étage de la tour Eiffel ! Il sera immatriculé selon la réglementation en vigueur et sera piloté par un capitaine et deux marins professionnels. Il y a suffisamment d’espace à l’intérieur pour loger quatre autres personnes, des techniciens et des ingénieurs qui seront chargés de recueillir et de transmettre les données.
Est-ce qu’il résiste bien aux vagues ?
J-L E. Nous avons mené plusieurs essais, en reproduisant des vagues de tempête, parfois hautes de 35 mètres. Les premiers résultats sont satisfaisants.
Quels sont les moyens de propulsion du Polar Pod ?
J-L E. Nous allons le laisser dériver dans le sens des courants, à une vitesse très lente de moins de 1 nœud. Nous avons aussi conçu des voiles pivotantes sur ses passerelles extérieures qui lui permettront de s’éloigner en cas de rencontre avec un iceberg. L’énergie nous sera fournie par quatre éoliennes et nous embarquerons un groupe électrogène.
Pour quel programme de recherche allez-vous l’utiliser ?
J-L E. Nous allons étudier les échanges entre l’atmosphère et l’océan austral et mesurer son taux d’absorption en gaz carbonique. Nous allons aussi faire des relevés acoustiques avec des hydrophones immergés qui enregistreront les conversations animales. Enfin, nous validerons les données fournies par les satellites.
Combien de temps durera cette expédition ?
J-L E. Entre deux et trois ans. Mais l’équipage sera relevé tous les trois mois. Un voilier rejoindra régulièrement le Polar Pod avec des denrées fraîches et de nouveaux équipiers.
À quand la construction grandeur nature du Polar Pod ?
J-L.E. Normalement en septembre 2015 pour une mise à l’eau en Afrique du sud en mai 2016. Nous prévoyons un budget de construction de 6 millions d’euros. Ce n’est pas très onéreux comparé au coût de construction d’un navire océanographique. Si cette grande première réussit, le concept pourrait intéresser de nombreux laboratoires de recherche. Les scientifiques utilisent de plus en plus de robots sous-marins qui nécessitent la présence d’une structure pour recharger leurs batteries. Or cela coûte très cher d’envoyer le Pourquoi Pas… Quant au budget d’exploitation du Polar Pod, il est plus facile à réunir car de nombreux laboratoires dans le monde sont intéressés par notre projet.
Qu’est-ce qui vous fait courir, Jean-Louis Étienne ?
J-L E. L’envie ! Toute ma vie, j’ai cherché à réussir des paris qui, au départ, semblaient impossibles. Et puis, j’aime faire la synthèse entre les attentes des chercheurs et une nouvelle aventure. Le Polar Pod, c’est peut-être la plus belle de toutes !