
Le remorqueur le plus puissant du monde, basé à Brest, est entré en service en avril 2005. En dix ans, il a effectué une centaine d’interventions en haute mer.
En veille 24h sur 24, l’Abeille Bourbon est amarrée quai Malbert, au port de commerce de Brest. Dès que les prévisions météo se dégradent, le remorqueur appareille pour se positionner sous le vent d’Ouessant. Au large de la pointe Bretagne se trouve en effet l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, empruntée chaque jour par plus de 200 navires chargés de toutes sortes de cargaisons dangereuses : produits chimiques, pétrole, hydrocarbures… Le naufrage du pétrolier l’Amoco Cadiz sur les rochers de Portsall, le 16 mars 1978, avait provoqué une gigantesque marée noire et convaincu les autorités maritimes de se doter de moyens appropriés pour faire face à la survenue de telles catastrophes. Après l’Abeille Flandre, qui évita le pire lors du naufrage de l’Erika en remorquant le navire au large, il fut décidé de construire un remorqueur encore plus puissant. L’écrivain de marine Hervé Hamon, qui avait, de nombreuses fois, partagé la vie des marins de l’Abeille Flandre, assista à la naissance de l’Abeille Bourbon. « La coque a été construite en Pologne aux chantiers navals de Gdansk, puis remorquée en Norvège où le navire a été équipé, se souvient-il. Le moment le plus impressionnant, c’est lorsque les techniciens ont descendu les moteurs, des machines gigantesques. »
La « Rolls des mers »
À juste titre, l’Abeille Bourbon est surnommée la « Rolls des mers ». Elle a une puissance de moteurs de quatre fois 5 435 chevaux, ce qui en fait le remorqueur le plus puissant du monde. Lors de la construction, le chantier en Norvège avait pris un peu de retard. C'est pourquoi, en avril 2005 le navire appareille par force 8 afin d’être à l’heure à Brest pour son baptême officiel, sa marraine étant Bernadette Chirac. Hervé Hamon fait partie de ce voyage inaugural. « La première nuit, ça cognait énormément, les ballasts n’étaient pas équilibrés et les alarmes se déclenchaient sans arrêt. » Puis tout est rentré dans l’ordre et le navire a été accueilli quai Malbert par la foule des grands jours. Depuis, l’Abeille Bourbon a effectué 109 interventions en haute mer avec 48 remorquages, 55 escortes à bon port de navires en difficulté et 6 opérations à risque, notamment le sauvetage de l’YM Uranus et le transbordement de 6 300 tonnes de produits chimiques qui menaçaient de se déverser dans la mer. Prêt à intervenir en moins de 20 minutes, le bateau fait office de baromètre pour les habitants de Brest. Tant qu’'il reste à quai, c’est l’assurance que le temps est beau et la mer belle.