Parcours difficile et moral d’acier sur le rameur des glaces
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L’aventurier Charles Hedrich est parti le 1er juillet pour tenter une première : la traversée du passage du Nord-Ouest à la rame. Il doit arriver à bon port avant fin septembre sous peine de se retrouver coincé par le retour des glaces hivernales.
Une conversation avec Charles Hedrich est toujours surprenante. Il ne se rappelle plus la dernière fois où il a dormi, profitant du jour constant pour ramer le plus possible, et pourtant sa voix ne laisse paraître aucune trace de fatigue. Au contraire, il trouve ce jour constant très pratique pour la navigation, rit dès qu’il peut et nous confie mille anecdotes. L’une d’elles aurait découragé de nombreux terriens au réveil – il a emporté du café moulu et non instantané sur son rameur et doit donc concocter un breuvage improvisé avec un gant pour filtre – mais lui s’en amuse. Pourtant, il affronte en ce moment des conditions météo très difficiles. « Les obstacles sont plus importants que je ne les avaient imaginés, concède-t-il. Après avoir passé le détroit de Béring, Charles Hedrich a traversé la mer des Tchouktches, du nom du peuple qui habite cette région sur les côtes nord est de la Russie et au nord de l’Alaska. Les trois à quatre jours prévus pour rejoindre Point Hope et sa deuxième halte se sont transformés en huit jours. Après avoir quitté ce village, il a été surpris par une dépression qui l’a forcé à enfiler sa combinaison de survie. Depuis, il lutte contre du vent de face, très difficile à gérer à la rame. « On ne sait pas si ce vent est une spécificité du secteur ou si c’est de la simple malchance ». Les prévisions météorologiques sont très difficiles à établir sur cette zone septentrionale. Depuis trois jours, le rameur a les yeux fixés sur le cap Lisburne, son prochain objectif si difficile à atteindre.
Une cloche de nuages sombres au lieu du ciel bleu attendu
Lorsqu’il a quitté le deuxième village, en mer des Tchouktches, les sites météo consultés par les habitants étaient tout à fait contradictoires, l’un parlant d’un vent de secteur sud et l’autre de secteur nord. « Comme d’habitude », ont assuré les locaux. Mais une autre surprise, de taille, attendait l’aventurier français. « J’étais au téléphone avec mon routeur, Michel Meulnet, rapporte-t-il. Lorsqu’il m’a demandé de lui décrire le ciel au-dessus de ma tête. » Une question tout à fait classique. Sauf que la réponse de l’aventurier – « totalement couvert »- ne correspondait pas du tout aux cartes que le spécialiste météo avait devant les yeux. « La dépression s’est formée au fil de notre conversation, rapporte Charles Hedrich. Et c’était difficile à gérer car pendant de longues heures, nous n’avons pas su jusqu’où la dépression allait monter. Cela a finalement duré une petite vingtaine d’heures. » Comme le vent était dans le bon sens à ce moment là, Charles Hedrich a d’abord essayé d’en profiter pour avancer le plus vite possible. « C’était impressionnant car je partais en surf à dix nœuds, nous raconte-t-il. Le rameur des glaces est plus rapide que le bateau qui m’a porté sur ma double transatlantique mais il est à fond plat donc il dérape facilement. Il s’est couché deux fois et je peux vous dire que cela m’a calmé. » Charles Hedrich enfile alors sa combinaison de survie, qu’il gardera pendant une dizaine d’heure, et passe en ancre flottante. « Pendant la dépression, nous avons eu 35 noeuds de vent mais surtout une mer démontée. Le bateau gigotait dans tous les sens. » Puis le vent s’est calmé. « Il souffle à dix nœuds aujourd’hui. Ce serait idéal s’il n’était pas de face ! » Le prochain village qui l’accueillera pour son ravitaillement – Charles Hedrich n’a qu’une dizaine de jours de vivre à bord – est à 100 milles. Cela peut être fait en une journée ½ comme en cinq ou dix jours… » La priorité du rameur est de ne surtout pas s’approcher des côtes, car les falaises provoquent des effets de vent dangereux, et de perdre le moins de temps possible. Son expédition est un compte à rebours avant le retour de l’hiver.
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