Un hivernage en Arctique
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L’aventurier Charles Hedrich a rejoint la terre ferme. Le retour précoce des glaces hivernales a stoppé son expédition sur le passage du Nord-Ouest à la rame.
Depuis plusieurs jours, Charles Hedrich naviguait sous la neige, en zigzaguant entre de gros glaçons instables. L’hiver est de retour. « J’aurais pu continuer de ramer encore un peu, a-t-il assuré par téléphone, une fois installé sur la terre ferme. Mais ces énormes masses de glace représentaient un danger absolu avec les coups de vent qui se succédaient. Et puis, un peu plus loin, la baie d’Amundsen est totalement bloquée par le retour de la banquise. » Les glaces se sont refermées plus vite que l’an passé – année record pour la fonte de la banquise – lorsque les derniers navigateurs passaient le passage du nord-ouest le 10 octobre 2012. Cette année, les gardes-côtes sont déjà intervenus pour sortir des embarcations prises par les glaces.
Une expédition en deux ans
Charles Hedrich a donc donné ses derniers coups de rame dans la tempête pour rejoindre le village de Tuktoyaktuk. « La décision était évidente, remarque le rameur avec toujours autant d’énergie dans la voix. Comme j’ai fait la moitié la plus difficile, la plus engageante, j’ai encore plus de chances de pouvoir réussir la traversée. » Puis il remarque qu’en 1917, le premier explorateur à vaincre le passage du Nord-Ouest, Roald Amundsen, avait mis trois saisons pour parvenir à ses fins : deux hivernages et trois étés. Charles Hedrich s’est donc installé dans un foyer inuit. « Les habitants n’étaient pas prévenus de mon arrivée mais je savais que quelques familles pratiquaient un système informel de chambres d’hôtes alors j’ai frappé à la porte de l’une d’entre elles. » La femme qui lui ouvre sa maison lui propose aussitôt de rentrer son embarcation pour l’hiver. « Elle pensait qu’il s’agissait d’un kayak alors je lui ai expliqué que c’était beaucoup plus imposant mais elle a insisté pour que je le remonte. Quand elle l’a vu, elle a réalisé que c’était bien beaucoup plus grand qu’elle ne le pensait ! » Après quelques heures d’efforts, ils ont finalement réussi à glisser le rameur des glaces à l’intérieur de cette maison accueillante. « Il est en bonne compagnie entre deux scooters des neiges, deux traineaux et deux quads ! », lance Charles Hedrich avec bonne humeur.
Un nouveau voyage cet hiver
En regardant par la fenêtre, l'aventurier voit la lagune, l'océan, et des montagnes glacées recouvertes de terre au fil des années. « Je vais rester quelques jours à Tuktoyaktuk car je souhaite gravir ces montagnes de glace qui entourent le village », précise-t-il. Puis il reviendra en avion dès cet hiver pour goûter à la saison glacée dans un des villages les plus au nord de la planète. Il souhaite notamment parcourir la piste que les habitants empruntent dès novembre sur l’océan glacé. « Cette route hivernale est reliée au réseau autoroutier canadien », explique Charles Hedrich, déjà occupé à organiser cette prochaine expédition avec la femme qui l’héberge. Il reprendra ensuite son rameur en juin 2014 pour poursuivre son parcours à la rame sur le passage du Nord-Ouest.