Retour sur un été dans les glaces de l’Arctique
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Le rameur Charles Hedrich est de retour sur la terre ferme après 1.700 kilomètres en solo le long de la côte nord de l’Alaska et du Canada. Le retour de l’hiver l’a empêché d’aller plus loin.
La semaine dernière, Charles Hedrich a dû abandonner sa traversée du passage du Nord-Ouest à la rame. Mais ce n’est que partie remise : une famille inuit a accepté d’abriter son rameur pour l’hiver et la motivation de Charles Hedrich est intacte pour reprendre son parcours en juin prochain. « Après tout, l’explorateur Amundsen a ouvert le passage en deux hivernages et trois étés ! », rappelle-t-il avec le sourire. En attendant, le village de Tuktoyaktuk, l’un des plus septentrionaux au monde, résonne de ses anecdotes et des récits des habitants. Les histoires de tempêtes au-delà du cercle polaire arctique laissent des frissons, presque autant que celles de ses rencontres très rapprochées avec les baleines.
« Comment faites-vous pour vivre sur l’océan ? »
Charles Hedrich n'a pas vécu qu'une expérience en solitaire. L'aventurier s'est arrêté dans plusieurs villages arctiques pour se ravitailler en nourriture et souvent laisser passer les coups de vent. "A chaque fois, les réactions sont les mêmes: mon périple semble irréaliste, rapporte Charles Hedrich. On ne me pose pas beaucoup de questions sur les difficultés de navigation mais la rusticité de mon embarcation interpelle. On me demande: comment faites-vous pour vivre sur l'océan ?" La question du froid occupe également tous les esprits. « Cela paraît d’abord marrant venant de ces habitants qui vivent dans le Grand Nord, commente Charles Hedrich. Mais c’est justement pour ça qu’ils s’en inquiètent : ces Inuits connaissent la rigueur du froid arctique et de l’humidité qui s’infiltre partout. » Charles Hedrich a dû se battre contre la moisissure sous les pluies continues de l’été arctique. La neige est arrivée à la fin août. « Et puis très vite, on me demande si je suis armé contre les ours », poursuit le rameur qui juge également cette préoccupation essentielle. Lorsque nous l’avions rencontré à Paris avant son départ, alors qu'il courait aux quatre coins de la capitale pour trouver des cartes IGN de son parcours, il nous avait tout de suite montré les munitions à emporter à bord de son rameur. Finalement, les ours ne se sont pas montrés agressifs mais ils lui ont causé quelques belles frayeurs. Notamment lorsqu’il en a rencontré une quinzaine au bout d’une passe étroite. « Les ours devaient attendre les phoques… », commente-t-il. Et le rameur des glaces ne devait pas émettre de fumet appétissant !
Porté sur le dos d'une baleine
Un peu plus loin, c’est une baleine qui a provoqué ses plus fortes sueurs froides. « C’était du délire, absolument sidérant ! s’exclame-t-il. Je me préparais un café à l’intérieur, par mer calme, quand j’ai entendu le souffle d’une baleine. C’est un son que j’avais déjà entendu auparavant mais cette fois-ci, il était vraiment très fort. » Charles Hedrich se précipite alors à l’extérieur et tombe nez à nez avec une baleine, collée contre son embarcation, sans bouger. « Je me suis très vite enfermé à l’intérieur du rameur puis j’ai continué à l’observer par le hublot. La baleine est restée là sans bouger pendant un petit bout de temps », assure-t-il. Puis, tout à coup, la géante est descendue sous l’eau. « Elle est passée sous le bateau puis l’a soulevé à un demi mètre au-dessus de l’eau avant de le reposer très délicatement. » A l’intérieur du rameur, Charles Hedrich explique s’être senti à la fois terrorisé et émerveillé. « Je ne pourrais pas dire quel sentiment prédominait », assure-t-il avec le recul. « Elle m’a visiblement soulevé de façon très pacifique », assure l’aventurier. Lorsqu’il a rapporté son histoire aux habitants du village de Tuktoyaktuk, ils ont écouté le récit avec beaucoup de sérieux. Ils connaissent tous des histoires similaires : les baleines soulèvent rarement les embarcations mais cela tourne souvent au drame. En revanche, la première rencontre de Charles Hedrich avec une baleine, lorsque le géant des mers avait sorti la tête de l’eau et affiché un air curieux, a provoqué plus de rires. « Cela arrive relativement souvent ici », rapporte l’aventurier. Charles Hedrich souhaite revenir dans ce village au cœur de l’hiver pour retrouver ces habitants accueillants et goûter à l’hiver arctique. Puis il reprendra l’avion et ne reviendra qu’au mois de juin pour poursuivre son aventure à la rame.