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De François Gabart à Alessandro Di Benedetto, tous s’apprêtent à fêter dignement Noël. Menu spécial et cadeaux en perspective. Excepté Bernard Stamm qui bricole...
Au mouillage au nord de l'île Auckland depuis dimanche matin, Bernard Stamm est contraint de reprendre la mer pour se trouver un autre abri. Le 23 décembre, un navire scientifique russe, le « Professor Khromov », est venu mouiller dans la même baie que Bernard Stamm. Peu de temps après, l'ancre de Cheminées Poujoulat a chassé, imposant alors au skipper de s'amarrer à son voisin de baie afin de sauvegarder son monocoque. La situation actuelle est loin d'être simple pour le skipper dont la réparation de ses deux hydrogénérateurs est rendue plus longue que prévu à cause de la pluie incessante qui ralentit considérablement la prise de la stratification. A cette humidité permanente vient s'ajouter une tempête annoncée pour ce lundi soir. Quand elle touchera l'archipel, le bateau ne sera plus en sécurité et risquera d'être drossé à la côte. Le suisse a donc décidé d'appareiller en direction du sud de la Nouvelle-Zélande afin de trouver un abri sûr et de pouvoir poursuivre les réparations. L'opportunité de récupérer du carburant auprès du bateau russe a été écartée par le navigateur, fermement décidé à poursuivre son Vendée Globe en course. Un choix difficile mais guidé par la volonté absolue de Stamm de continuer la course, en bon marin. D’autre part, le plus breton des marins helvète tient au courant la direction de course, et une déclaration écrite sera faite à destination du jury afin de retracer toutes les étapes successives passées et à venir de cette réparation.
Gabart et Le Cléac’h : un Noël ensemble
Alors que les deux leaders, François Gabart (Macif) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) qui se tiennent en 7 milles seulement au classement de lundi 16 heures, poursuivent leur joute planétaire à pleine vitesse dans le Pacifique Sud, à 3000 milles du cap Horn, Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) et Jean Le Cam (SynerCiel) accélèrent. Enfin, Mike Golding (Gamesa), Dominique Wavre (Mirabaud) et Javier Sanso (Acciona 100 % EcoPowered) ont réussi à s'extirper d'une zone de vent erratiques. Jamais une première place n'a été aussi disputée dans l'histoire de la course. Et cela devrait durer encore un moment si l'on en croit les conditions météorologiques à venir. Glissant à près de 19 nœuds de moyenne ces dernières 24 heures, dans un bon flux d'ouest de 25 nœuds qui devrait forcir jusqu'à 35 nœuds, les deux jeunes skippers devraient encore accélérer en ligne droite vers la porte Ouest Pacifique, qu'ils devraient atteindre ce soir aux alentours de minuit. En attendant le réveillon, Armel Le Cléac’h nous décrit l’ambiance à bord. « Bonjour à tous et Joyeux Noël ! Vous pouvez me souhaiter que les prochaines heures ne soient pas trop difficiles car les conditions sont assez toniques. C’est plutôt sport à bord du bateau depuis quelques heures : des bons surfs, des bons grains qui passent et le vent qui rentre. On va attendre demain pour ouvrir les cadeaux, le foie gras et le Saint-Emilion. C’est la mer qui dicte sa loi : on ne choisit pas l’heure du réveillon, c’est la météo qui décide. Ce soir ce sera du lyophilisé et une soupe. On a un empannage à faire dans quelques heures pour passer la porte Pacifique et faire route vers l’est. C’est un peu comme il y a 4 ans où on avait eu un Noël un peu difficile, ça n’avait pas été la meilleure journée de la course ». Enfin en queue de peloton, une série de dépressions se met en place et pousse les derniers concurrents avec force vers l'est. Joyeux Noël dans les mers australes !
LES VOIX DU LARGE
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « J'ai installé toute mes décorations de Noël. Mon équipe avait caché un sapin en bois, un bonnet de père Noël, des lunettes de soleil rouge, alors je me suis déguisé en "Père Noël des mers". Je n'ai pas le temps de passer Noël aux fourneaux. Pour mon cinquième en mer, j'ai fait le choix d'un repas amélioré en conservant une base de lyophilisés agrémentés des ingrédients traditionnels d'un diner de Noël : champagne, foie gras, biscuits et chocolats. Je vais appeler mes proches pour partager ce moment avec eux. C'est tout de même difficile de fêter ça loin des siens. Seul au beau milieu du Pacifique, ce n'est pas le meilleur endroit pour faire la fête ! Avec la problématique du poids à bord, mes proches m'ont offert des cadeaux légers : une petite poule en peluche Saint-Michel et des photos marrantes de ma femme, de mon fils et de mon équipe avec un bonnet de Père Noël ! ».
Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) : « Il me semble que Mike et Dom seront avantagés à l’Est, à moins que je parvienne à attraper un peu de vent et à rattraper quelques milles. Pour le moment, je suis dans la bonne direction de vent mais n’ai pas assez de puissance pour atteindre les 16-17 nœuds de vitesse qu’il me faudrait pour me placer en-dessous d’eux avant qu’ils ne s’en aillent à leur tour. Au final, c’est assez compliqué, mais au moins on avance vers le sud-est, ce qui est déjà pas mal comparé à ces dernières heures. Pour le reste tout va bien à bord, avec une route vers le grand froid. Mais plus on va au sud, plus le chemin est court... Si le vent est de la partie bien entendu. Salut et à tous et encore joyeux Noël ! ».
Bertrand de Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) : « Je vais à une vitesse de 14-15 nœuds. Il y a des creux d’1m50 donc pour la région c’est assez plat. Et du vent du nord à l’approche de la dépression que je devance, qui va forcir tout doucement pour la nuit prochaine. Ma position est plutôt pas mal. J’ai écumé pas mal de réparations. Tout l’avant est propre parce que j’ai navigué pendant 24 heures sous gennaker. Les hydrogénérateurs fonctionnent à merveille, c’est un bonheur parce que je ne navigue qu’avec ça en ce moment et il me reste pratiquement 100 litres de gasoil : ça fait 45 jours de navigation en plus. Je suis presque tranquille à ce niveau-là. Noël, c’est un chapitre qu’on a malheureusement un peu laissé de côté. Je n’ai pas trop de déco, pas trop de cadeaux non plus mais j’en ai quelques-uns. Surtout de la lecture apparemment, vu le format des cadeaux. Il faut que je m’instruise un petit peu plus. Par contre, j’ai un bon repas : un petit confit et un quart de rouge Saint-Emilion. Ce sera sobre parce qu’avec 30 nœuds et un vent de travers, ça va secouer un peu. Il faut rester vigilant malgré tout ».
Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « Ce sont de belles conditions pour faire du bateau à voile, avec 20-25 nœuds et une bonne houle d’1m50. Le vent et le rythme des vagues sont agréables. Avant d’ouvrir mes cadeaux demain, je vais empanner en me dirigeant vers la deuxième porte australienne. Le 24 est une journée différente, j’ai un gros sac avec plein de cadeaux et j’ai même trouvé une boîte de chocolat. Une journée comme les autres en mer car on navigue, mais une journée particulière car on pense à nos proches. J’attendrai le 25 midi heure française pour ouvrir mes cadeaux et j’ai prévu un petit Skype avec mes parents. Je m’y tiendrai, même si j’ai mon sac de Noël à côté de moi ».
Alessandro di Benedetto (Team Plastique) : « Ça va très bien. J’avais demandé à Eole et au Père Noël d’avoir du vent et là j’avance à 17 nœuds donc ça va très bien ! J’ai du vent entre 30 et 40 nœuds, j’ai fait vraiment de jolis surfs. J’ai eu la visite du Père Noël mais j’avais mis une caméra cachée donc vous aurez la vidéo en exclusivité. En pointe j’ai passé les 30 nœuds avec des surfs au-delà quelques fois. Aujourd’hui j’ai fait 27 comme pointe, mais vous connaissez le bateau, il a son âge et ses limites donc je ne peux pas atteindre les vitesses du groupe de tête. Bonnes fêtes à vous et Joyeux Noël à tous ».
CLASSEMENT
Positions du 24/12 à 16 heures : 1.François Gabart (Macif) à 10 044 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 7,2 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 504,1m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 968 m; 5.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 1 638,8 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 772,5 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 2 233,2 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 2 282, m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 2 517,6 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 950,2 m; 11.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 3 515,6 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 809,9 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 4 596,9 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).