
Pour sa première participation, Benoît Marie a décroché la victoire sur la Mini-Transat. Il a traversé l’Atlantique en 18 jours et 13 heures sur un petit voilier de 6m50. Il revient avec nous sur une course mouvementée.
A peine débarqué de l’avion qui le ramenait en métropole, le teint halé et le sourire aux lèvres, Benoît Marie peine encore à réaliser son exploit. Il a remporté la course dont il rêve depuis 15 ans, à l’époque où il tirait ses premiers bords en Optimist. Sur la ligne de départ, il ne figurait pas dans le groupe des favoris mais il était déjà considéré comme un sérieux outsider. « J’avais un tiers du budget de Giancarlo Pedote, arrivé deuxième à Pointe-à-Pitre, rappelle Benoît Marie. Je n’ai pas pu embaucher un préparateur, je dormais dans mon bateau.... » Il souhaitait initialement partir avec un budget de 100.000 euros sur deux ans mais n’en a réuni que 70.000, avec un important prêt personnel. Malgré ces difficultés, le jeune ingénieur de l’écurie de Jean-Pierre Dick, Absolute Dreamer, a su tirer son épingle du jeu.
16 jours de plus à Douarnenez
Benoît Marie a connu son premier coup de stress trois jours avant le départ, initialement prévu le 13 octobre, lorsque sa pile à combustible le lâche. Le jeune ingénieur doit donc se rabattre sur une solution de rechange. Le lendemain, nouveau coup dur : l’automne fait une entrée fracassante avec des creux de quatre mètres et un vent fort. La décision du report est accueillie avec soulagement par les 84 participants, inquiets de lancer leurs embarcations dans une mer démontée. Mais c’est une longue période d’incertitude qui démarre. Benoît Marie décide de ne pas perdre trop d’énergie à scruter les fichiers météo et peaufine son bateau dans les moindres détails. « Il n’a jamais été aussi prêt ! » Benoît Marie en profite pour ajouter quelques détails de confort : un siège en composite ou un filet au plafond pour garder son matériel au sec. « J’ai tout fignolé, c’était satisfaisant. » Mais dix jours après le jour de départ initialement fixé, l’inquiétude prend le dessus et le marin se demande s’il larguera vraiment les amarres pour cette Mini-Transat 2013. « J’ai alors décidé de m’éloigner de Douarnenez quelques jours pour me changer les idées et c’est sur la route que j’ai reçu la nouvelle du passage à l’alerte orange, signe d’amélioration pour un départ possible dans les 36 heures. » Pour cette édition hors-normes, la Mini-Transat a adopté les codes de stand-by des records océaniques. La flotte a finalement pris le départ le 29 octobre, peu après 9 heures du matin.
Le premier départ
Les bateaux sont sortis au lever du jour pour un coup d’envoi matinal. Un départ n’est jamais un moment facile mais celui-ci fut particulièrement corsé avec des rafales à 30 nœuds, au près, et une forte houle. « Il fallait se remobiliser et faire très attention aux collisions si fréquentes lors des départs, explique Benoît Marie. Elles arrivent même entre de très bons skippers. Alors une fois installé dans le peloton de tête, je me sentais mieux ! » Le marin se rappelle d’un passage du Raz de Sein sportif avant un début de course plus serein. Mais la météo n’avait pas dit son dernier mot.
Cap sur l’Espagne
Benoît Marie a connu une première avarie sérieuse environ 40 milles après le départ. Il entend un choc et constate la disparition de son bout-dehors. Le jeune ingénieur se lance donc dans une réparation de fortune pour assurer la traversée du Golfe au près. Cette avarie est un gros coup au moral mais il tient bon, bien décidé à aller au bout de ses rêves. Cependant, alors qu’il approche de la pointe espagnole, les conditions se dégradent sur le cap Finisterre. La direction de course décide de ne pas faire prendre de risque à la flotte, et notamment aux retardataires plus loin derrière, en demandant aux coureurs de rejoindre Sada. Benoît Marie n’est alors qu’à 35 milles de la nouvelle ligne d’arrivée. Mais les conditions sont dantesques. « J’en pleurais car mon bateau tapait dans les vagues et je ne lui avais jamais fait mal comme ça », nous confie-t-il avec émotion. « Je sentais la quille bouger alors que c’est la plus raide du circuit.» Il décide donc d’éviter les vents forts, pour le bien de son voilier, en se détournant plus à l’est, à Gijón. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », résume-t-il. Après cette première étape mouvementée et finalement annulée, Benoît Marie profite de son escale forcée pour réparer son bout-dehors. Mais là encore, le découragement lui serre le cœur. Les ministes vont-ils finalement traverser l’Atlantique ? Oui, mais il faut d’abord convoyer vers Sada. « Cela avait l’air simple en consultant les fichiers mais sur l’eau c’était vraiment compliqué, rappelle-t-il. Je me suis arrêté deux fois. » Le jeune homme arrive exténué à Sada, moins de trois jours avant de prendre le départ d’un long sprint, inédit sur le circuit, de l’Espagne à la Guadeloupe.
En route pour les Antilles, après un mois de péripéties
C’est parti pour 3.700 milles, soit plus de 6.850 kilomètres, et presque trois semaines de solitude. Les concurrents de la Mini-Transat partent avec des moyens de communication rudimentaires : les quelques discussions se font avec les concurrents ou bateaux accompagnateurs à portée de radio. Et là encore, la météo montre son caractère. La première partie de course, jusqu’à la marque de passage des Canaries, s’annonce compliquée avec le rail des cargos à passer et un tronçon au portant dans du vent assez fort. Benoît Marie a donc commencé par se dégourdir les jambes après tant d’attente, en filant à 16 nœuds dès la baie de Sada. Puis il opte pour la sécurité. « J’ai dû accepter de lever le pied tout en me disant que j’allais voir une bonne partie de la flotte creuser son avance, témoigne-t-il. Mais en fait, j’ai compris, en écoutant le classement et en constatant que mes principaux concurrents étaient à peine à porter de VHF, que mon choix avait été le bon. » Benoît Marie ne quitte pas le trio de tête, déjà au coude à coude avec Giancarlo Pedote et Bertrand Delesne, dans des conditions peu maniables au large de l’Europe. Il passe Lanzarote en troisième position puis Tenerife en leader. « Mon premier défi était de prendre le départ, puis de rester en course jusqu’en Guadeloupe. Mais en passant les Canaries, j’ai commencé à penser à l’arrivée ! » Place maintenant au match race France-Italie, contre Giancarlo Pedote. Benoît Marie n’apprendra sa victoire qu’en approchant de Pointe-à-Pitre, en croisant un bateau venu à sa rencontre.
Benoît Marie dans l’antichambre de la course au large
Un vainqueur et une foule heureuse
En arrivant sur la terre ferme, Benoît Marie réalise alors l’engouement suscité par sa course. « Je ne pensais pas que cela intéressait autant de monde ! J’étais le premier à suivre les départs de la Mini-Transat mais je ne m’attendais pas à recevoir 600 e-mails et autant de messages Facebook ! » Benoît Marie est parti avec 37 sponsors et sans partenaire titre. « Le ticket d’entrée était à 100 euros et la plus grande participation est de 14.000 euros », précise-t-il. « En réalisant l’engouement interne de mes sponsors – des salariés qui n’avaient jamais vu la mer et qui allaient voir la position de mon bateau à chaque pause – j’ai compris qu’au-delà de mon rêve, cette course avait servi à quelque chose. » Désormais, il ne pense qu’à la vitesse. « Je voulais faire une course en solitaire, détaille le marin, heureux de pouvoir cocher cette case. Maintenant, je voudrais faire du multicoque, du bateau qui vole et de l’équipage. Je n’ai pas envie d’être spécialiste d’un support, pas maintenant. » Il rêve de trouver un budget pour naviguer en Multi 50.
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