
Après le gentleman farmer tout de tweed vêtu, voici le gentleman sailor, en équilibre sur son bateau sans jamais quitter son smoking sombre. Alex Thomson a su utiliser au mieux sa nature de casse-cou pour donner un nouvel élan à sa carrière.
Alex Thomson détonne parmi les stars de la course au large. D’abord parce que son fidèle sponsor, Hugo Boss, a les moyens d’affréter un luxueux yacht pour l’accompagner sur les lignes de départ. Il faut y monter en chaussettes, loin de la simplicité volontaire du milieu. Mais si Alex Thomson porte des smokings ajustés pour mettre en valeur son sponsor, il reste un enfant des côtes brutes du Pays de Galles, de l’Irlande ou des îles Shetland, où les différentes affectations de son père, pilote d’hélicoptère des sauveteurs en mer britanniques, l’ont conduit. Il lève haut les sourcils lorsqu’un interlocuteur lui parle de son caractère anglais. Mais justement, ils sont encore peu nombreux les marins venus d’outre-manche sur les podiums de la course en large en solitaire. Alex Thomson a rejoint ce cercle très fermé en janvier 2013, en remontant le chenal des Sables d’Olonne avec le soleil levant. Une troisième place dans la poche.
Enfin, il détonne parce que les photos réalisées par son sponsor sont plus esthétiques et acrobatiques que sportives. Avec Alex Thomson, la voile n’est sérieuse qu’en compétition. Pour les photographes, il fait le buzz en se faisant tracter par son voilier sur une planche de kite (2009), il pose sur la quille de son voilier en navigation (2012) et enfin il grimpe tout en haut de son mât de 30 mètres avant de se prêter à un saut de l’ange très remarqué. Le marin qui assure ne pas aimer être trempé en mer n’hésite pas à mouiller le costard.
Les coulisses de sa séance photo vertigineuse
Ces séances montrent également que le marin casse-cou sait désormais utiliser au mieux son caractère bien trempé… Tout en le domptant en mer pour laisser derrière lui son début de carrière en dents de scie. Aux Sables d’Olonne, avant son départ pour le Vendée Globe 2012/2013, on se souvenait surtout de son bateau éventré à trois semaines de la précédente édition. Collision avec un chalutier. Son équipe avait alors mis les bouchées doubles et réussi l’exploit de lui permettre de prendre le départ. Mais sa monture, encore trop fragile, n’avait pas pu le conduire jusqu’au bout du monde. Alors, pour ce troisième essai, il avançait sereinement sur les quais des Sables d'Olonne et parlait de victoire pour contrer le sort, heureux de partir sur un bateau à la remarquable constance. Et il a gagné son pari.
En chemin, il s’est aussi fait remarquer pour ses qualités de bon marin, restant à proximité de Jean-Pierre Dick lorsque celui-ci luttait pour maintenir à flot, dans une mer formée, son voilier blessé. Le skipper de Virbac-Paprec venait de perdre sa quille et ses chances de podium. « Ce n’était pas grand-chose car cela n’allait pas changer ma course, commentait sobrement Alex Thomson après avoir retrouvé la terre ferme. Qu’est-ce que j’aurais gagné en continuant ? J’aurais peut-être pu boucler ma course en moins de 80 jours ? Mais Jean-Pierre ne pouvait plus me battre. » Le Méditerranéen avait remercié Alex Thomson d’une pancarte : « prends bien soin de cette troisième place ». Alex Thomson rejette donc toute notion d’héroïsme et assure que ce geste était plus pour lui finalement. « Si je n’avais pas continué ma route et que Jean-Pierre s’était retourné, je n’aurais pas pu me le pardonner. Finalement, je n’ai perdu que quelques heures et cela m’a permis de me sentir mieux. » Pas de surenchère.
Alex Thomson aime regarder droit devant. Il redoute les moments d’intense fatigue, dans les mers du sud, lorsqu’il analyse trop. Et surtout, c’est un marin qui aime retrouver la terre ferme. « Je voyage pour le boulot, résume-t-il. Mais j’aime rentrer chez moi, allumer la TV ou partager une partie de squash. C’est trop facile de se laisser entraîner par le large et de ne plus penser qu’aux quilles, aux mâts…» Il n'oublie pas de remercier sa famille qui lui permet de rester en équilibre entre la terre et la mer. Gentleman sailor.
Palmarès:
2013: 3e du Vendée Globe 2012/2013
2012: Record Traversée de l’Atlantique en Imoca (8j 22h 08’)
2011: 2e de la Transat Jacques Vabre (G.Altadill)
2008: 2e de la Barcelona World Race (A.Cape). Deuxième Vendée Globe (Abandon)
2007: 2e Rolex Fastnet Race et record de distance sur 24h (501 milles)
2006: Velux 5 Oceans Race (Abandon)
2004: Premier Vendée Globe (Abandon)
2003: 2e de la Transat Jacques Vabre et record de distance sur 24h en Imoca (468 milles)
1999: vainqueur de la Clipper Round The World Race (plus jeune vainqueur d'une course autour du monde à 25 ans)