
15 équipages se préparent pour le départ de la Transat AG2R - La Mondiale, dimanche à Concarneau. Ils peuvent enfin se concentrer sur l’enjeu sportif et oublier les aspects financiers. La quête budgétaire pour les marins fut souvent compliquée mais elle offre au final de belles histoires.
Le plateau est impressionnant avec quinze équipages engagés, huit anciens vainqueurs et au moins une dizaine de favoris. Ce samedi, le podium du prologue de la Transat AG2R-La Mondiale a sacré les duos Mahé/Le Cam, Horeau/Desjoyeaux et Lunven/Peron.
Mais avant de lutter sur l’eau, plusieurs marins ont dû batailler d’entreprise en entreprise, à la recherche du sponsor titre. Ainsi, Simon Troel et Ronan Treussart (12e du prologue) ont eu la confirmation de leur sponsor – la CCI Quimper-Cornouaille - moins de 48 heures avant la présentation officielle. « Nous avons suivi tous les entraînements cet hiver car nous voulions prendre le départ. Nous avions de quoi nous occuper même si ce n’est jamais facile de ne pas savoir ce qu’on fera au final, commente le jeune skipper brestois. Mais maintenant, c’est bon : on va pouvoir faire du bateau ! » La CCI soutient également Roland Jourdain et Martin Le Pape (9e du prologue). D’autres duos, comme Kito de Pavant (vainqueur en 2006, ndlr) et Gwenaël Gbick pour Made in Midi (4e du prologue) ou Alexia Barrier et le vainqueur 2008 Laurent Pellecuer (8e du prologue) pour 30 Corsaires, ont choisi de créer un club d’entreprises autour de leur candidature. Un procédé de plus en plus courant pour la course au large mais encore rare sur le circuit Figaro, où les budgets sont moins conséquents.
La belle histoire des 30 corsaires
Au départ, Gilles Teisseyre, le premier des corsaires d’Alexia Barrier et Laurent Pellecuer, partait pour une recherche de sponsor titre. « Je savais que la situation économique était difficile mais j’avais déjà aidé mon copain skipper Marc Thiercelin sur des projets plus ambitieux et je pensais que ce serait plus facile sur le circuit Figaro, avec un budget plus restreint », commente Gilles Teisseyre, patron de la société de conseil Arcturus Group. Le chef d’entreprise envoie donc une dizaine de dossiers. « Mais les processus décisionnels sont de plus en plus compliqués et la date d’inscription approchait à grands pas. » L’entrepreneur encourage alors Alexia Barrier à s’inscrire avec son co-équipier mais sans souhaiter devenir le sponsor unique. « J’ai une société trop petite, je trouvais cela trop prétentieux, précise-t-il. Alors, je me suis demandé combien j’étais prêt à mettre sans réfléchir. » Il fixe le ticket d’entrée à 2.000 euros et part à la recherche de 30 entreprises prêtes à investir cette somme. « C’est intéressant car cela a permis à des PME qui rêvaient de voile, sans envisager sérieusement d’investir faute de moyens, d’embarquer avec nous, complète la navigatrice Alexia Barrier. Le fait que tout passe par Gilles, qui n’a pas les mêmes arguments que moi en tant que chef d’entreprise, était également un atout. » Elle estime que 50% des entreprises engagées dans les 30 corsaires ne connaissaient pas la Transat AG2R – La Mondiale avant de signer. « Mais c’est une belle histoire cette bataille à armes égales. Parfois on n’a pas besoin de lire tout le livre pour être conquis, le titre suffit ! » Gilles Teisseyre cite aussi le plateau de stars attendu sur la ligne de départ, "le gotha de la voile". Voilà donc 30 entreprises liées, à égalité comme les marins, avec leur ticket de 2.000 euros. « Au début je pensais appeler le collectif 30 copains à bord, précise Gilles Teisseyre. Mais finalement j’aime bien les corsaires qui me font rêver depuis mon enfance. J’aime le destin de ces marins qui faisaient face à de grands équipages grâce à leur ingéniosité et leur courage. C’étaient des grands rêveurs, comme nous. »
L’objectif premier de ces 30 entreprises n’est pas la visibilité - ce sont majoritairement des entreprises de conseil, de communication ou encore des business angels – mais le dynamisme de ce groupe d’affaires. « C’est un projet spontané mais nous avons déjà organisé deux ou trois regroupements pour mieux nous connaître et cela a initié une communauté créative ; quelques-uns évoquent déjà des projets. » Les entreprises apprécient ces rencontres plus informelles que les réunions d'affaires traditionnelles. Les 30 corsaires pourraient même continuer à sponsoriser Alexia Barrier pour la suite de son programme, la Route du Rhum et le Vendée Globe. « Peut-être que nous serons trop petits mais nous formerons sans doute un bon levier pour réveiller l’intérêt d’autres entreprises », avance Gilles Teisseyre. Il cite aussi l’exemple de ces gens de mer qui ne peuvent pas quitter le bord en cas de pépin. « Ça passe ou ça casse, comme pour les entrepreneurs. » Les corsaires entrepreneurs et le duo de marins partagent donc un bel enthousiasme. « Nous sommes un peu en position d’outsider mais je pense que nous avons toutes nos chances », assure Alexia Barrier.