
Alors que sur le Dubaï Boat Show, les Superyachts rivalisent de luxe et de modernité, les émiratis, en l’occurrence Dubaï et Abu Dhabi exclusivement, ont une passion intacte pour les courses de boutres, dhow en anglais, daou en arabe, ces voiliers traditionnels transformés en coursiers high-tech. On en dénombre près de cinq cents répartis en trois classes, de 60, 43 et 22 pieds. Les familles les plus aisées possèdent d’ailleurs souvent les trois, pour maximiser leurs chances de succès. Il faut dire que les gains en cas de victoire sont à la hauteur du prestige accordé à ces courses.

Un ratio voilure-déplacement imbattable
A partir de formes traditionnelles, les bateaux ont été fortement modernisés, jusque dans le design des carènes. A la fois larges et plats, ils ressemblent un peu à des Imoca sans quille, affichant des vitesses d’ailleurs similaires, pouvant monter à 20 nœuds. Leurs performances par petit temps sont particulièrement impressionnantes. Par trois nœuds de vent, ils sont capables de filer neuf nœuds. Il faut dire qu’avec 300 mètres carrés de voilure pour 1.5 tonnes de déplacement, les dhow de 6O pieds ont un ratio poids puissance qui est le triple de celui d’un Imoca au portant ! Un peu à l’image des Moth, les dhow ont évolué au fil du temps jusqu’à arriver à ces versions extrêmes. Bien que réalisés en bois, les bordés sont tellement fins qu’il ne faut pas y poser le pied. Le poids de l’équipage est pourtant indispensable à l’équilibre de ces bateaux. Mais prendre appui sur les varangues est la seule solution pour ne pas transpercer la fine couche de red cedar, dont la rigidité tient beaucoup aux couches de vernis epoxy qui la recouvrent. Les craquements en navigation sont caractéristiques de ces choix extrêmes à la durée de vie limitée. Toutes les trois régates il faut une sérieuse révision, et une saison complète est bien le maximum que peuvent endurer ces carènes ultrafines. Pour le reste, le carbone est roi : mât, bout-dehors, vergues de leurs immenses voiles triangulaires, rien ne résiste à la fibre moderne. Si par discrétion et pour ne pas heurter la tradition, le célèbre rond bleu du voilier nord-américain qui réalise la plupart des voiles est retiré, il ne faut pas s’y tromper, tissu, coupe et surface sont vraiment à l’optimum.

Al Gaffal – Le retour
Un véritable circuit de plusieurs régates est organisé chaque saison. Le point d’orgue en est la Al Gaffal Dhow Race, Al Daffal signifiant « le retour ». De nombreuses familles émiraties ayant leurs racines dans le commerce des perles, avec des ancêtres plongeurs, capitaines de boutre ou marchands, cet événement célèbre leur histoire. Dans un émirat qui recense plus de 200 nationalités, il est rare de trouver un événement réservé presque exclusivement aux locaux. Le fait que chaque membre d'équipage doive être un Émirien, en fait un événement vraiment spécial. Depuis 1991, plus d’une centaine de dhows y participent chaque année au printemps, une incontournable classique. Si l’évènement s’étale sur trois jours, la course principale part de l'île Sir Bu Nair située à une soixantaine de milles au large de Dubaï. Les voiliers partent tôt le matin, à 05h30, pour profiter de la brise de terre nocturne. Ils se dirigent d’abord vers l’Est où ils doivent passer une bouée située à proximité de l’île artificielle de Moon Island. Il leur reste ensuite 35 milles en route directe vers le sud-est pour rejoindre la ligne d'arrivée, mouillée au pied du célèbre hôtel Burj Al Arab.

Record battu en 2021
Lors de la dernière édition en 2021, qui marquait également le 30ème anniversaire de la course, c’est Nimran le dhow n° 211 qui l’a emporté, inscrivant son nom au palmarès pour la première fois, battant au passage le record de l’épreuve en 04h 58min 13sec. Il termine seulement 22 secondes devant le détenteur du titre, "Al Shaqi" skippé par Khalaf Buti Musabeh Al Ghashish mais appartenant au Sheikh Hamdan bin Mohammed bin Rashid Al Maktoum, prince héritier de Dubaï et président du Conseil exécutif. Rendez-vous est donc pris en juin 2022, pour la prochaine édition de cette course indissociable de la culture émiratie. Les navires des pêcheurs de perle ont joué un rôle essentiel dans le développement de Dubaï en tant que port de commerce international. Alors admirer encore aujourd’hui depuis la côte, ces 60 pieds arriver majestueusement à l’heure de midi, glissant sous un soleil de plomb et une mer miroir, est un spectacle aussi émouvant qu’unique.
