Transat Jacques Vabre 2023 : les dériveurs font de la résistance
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Au royaume de l’IMOCA, les foilers montent en puissance comme le prouvent les vitesses des plus récents d’entre-eux, qui repoussent plus loin les limites du vol océanique. Mais c’est aussi trop vite oublier que des bateaux à dérives ne sont pas en reste en rayon de la performance. Au nombre de 16* sur les 40 engagés dans cette catégorie au départ du Havre, une poignée d'entre eux, menés par des duos associant bon sens marin et âme de compétiteur, impressionnent par leur capacité à se mêler à la bataille, dans sa dimension stratégique, comme en régate pure. Tout un art, à coups de placements et de réglages fins, où tracer sa trajectoire, « comme celle d’un skieur qui laisse qui laisse une longue trace dans la poudreuse » - dixit Benjamin Ferré - permet aussi de sortir son sillage du jeu.
Un bizuth vainqueur de la course dans la course
Ce bizuth de l’IMOCA, n’a pas fait dans la demi mesure à bord de Monnoyeur Duo For a Job, ce redoutable plan VPLP-Verdier de 2010, vainqueur du Vendée Globe 2012 avec François Gabart, sur lequel les années ne semblent pas avoir de prise. Au terme d’une première saison de prise en main, il gagne cette course dans la course entre les bateaux à dérives. Premier des « non-foilers », il s’impose aussi, sur une option nord, devant de plus récentes unités dotées de ces appendices qui sustentent les bateaux au-dessus de l’eau. Avec son complice Pierre Le Roy, météorologue de profession, il a su tirer partie de la polyvalence de sa monture et de sa capacité à progresser au près sur une route au risque maîtrisé contre les fronts et les dépressions.
Ce dernier souligne aussi l’émulation du jeu de la régate garantie, notamment par son poursuivant immédiat, le Fives Group - Lantana Environnement de Louis Duc. Arrivé quelques heures derrière, celui que tout le monde appelle P’tit Louis ne boude pas non plus son plaisir de terminer la course dans une position qui a la saveur d'« une victoire énorme ». « On voit qu’il y en a encore 6/7 foilers qui n’ont pas fait d’escale qui sont derrière nous. Rémi (Aubrun) m’avait dit qu’on devait absolument faire un podium sur les bateaux à dérives. Ça s’est fait, on a gagné ! » ajoute le sémillant skipper normand.
Il toutes les raisons de satisfaire de ce résultat au terme du parcours entre Le Havre et la Martinique, qui vient récompenser trois ans de travail pour ressusciter son plan Farr de 2006, passé entre les mains de nombreux skippers, malheureusement victime d’un incendie quelques jours avant le départ de la Transat Jacques 2019 le réduisant à l’état d’épave. Mais cette figure du large démontre, qu’à force d’huile de coude et de solides convictions, le jeu d’une rénovation minutieuse à budget ultra maîtrisé vaut le coup. Mieux, il peut donner lieu à de belles courses, où plaisir de se bagarrer au meilleur niveau est au rendez-vous.
“Des machines à bouffer des milles”
« On a énormément de chance de naviguer sur ce genre d’engins. On l’oublie beaucoup, mais on prend énormément de plaisir à naviguer sur ces machines magiques à bouffer des milles », ajoute le skipper normand qui avait embarqué Rémi Aubrun, ce maître voilier en charge de la garde-robe de cet IMOCA au potentiel renouvelé. Sur cette course, ce fervent défenseur de la revalorisation des plus anciens bateaux souligne aussi la belle course de deux autres skippers, Violette Dorange (DeVenir) et Conrad Colman (Mail Boxes Etc.) qui s’accrochent sur la route des alizés : « Je leur dis bravo, parce qu’ils maintiennent des moyennes très élevées au portant. » Ces deux tandems, attendus dans le journée de demain, progressent très proches de deux foilers.
Mais difficile aussi d’oublier le 3e larron du groupe de tête des dériveurs de la route nord, freelance.com mené par Guirec Soudée et Roland Jourdain, à bord de l’ancien plan Farr de 2007 de ce dernier, avec lequel s’est imposé sur la Route du trois Rhum 2010. Ces deux là sont attendus comme il se doit, ce mardi en fin d’après midi à Fort-de-France, au terme d’une transat en double menée sous le signe du partage et de la transmission entre un jeune aventurier connu pour ses périples nautiques en compagnie de sa célèbre poule Monique et un marin d’expérience, alias Bilou. « On vient de boucler une magnifique Transat Jacques Vabre, avec un départ décalé, des groupes avec des options différentes, des guerres pas possibles avec à la fois avec notre ami Freelance et sa poule Bilou. Nos bateaux à dérives, ils ne sont pas morts » commente Louis Duc. Paroles de résistant !
* Parmi les 16 partants engagés à bord de bateaux à dérives, trois ont signifié leur abandon : Stand As One, Oliver Heer Ocean Racing et Be Water Positive.
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