Les pêcheurs de l'archipel colombien de San Andrés, dans les Caraïbes, ont interrompu leurs activités, inquiets de la réaction du Nicaragua après une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) accordant à ce pays un vaste territoire maritime autour de ces îles.
Dans un jugement rendu le 19 novembre à La Haye, la CIJ a fixé de nouvelles limites maritimes entre le Nicaragua et la Colombie, attribuant à Managua une zone de plus de 90.000 km2 auparavant sous le contrôle de Bogota qui conserve en revanche la souveraineté sur ces îles qui comptent plus de 70.000 habitants.
Depuis, la plupart des pêcheurs de San Andrés, notamment les pêcheurs artisanaux qui font vivre leur famille de la production locale, ont préféré s'abstenir de prendre la mer, de crainte d'être arraisonnés par la marine nicaraguayenne.
"Nous avons peur de sortir, on ne pêche plus", a affirmé une semaine après le jugement, Manuel Cubillos, président de la coopérative des pêcheurs artisanaux de San Andrés, redoutant une action des autorités du Nicaragua.
"Avant le jugement, il y avait déjà des problèmes mais maintenant ils peuvent nous intercepter en chemin", a précisé cet artisan de 50 ans, dont 35 consacrés à la pêche quotidienne.
La situation des pêcheurs de l'île voisine de Providencia est identique, explique la gérante de la coopérative locale, Rossana Torres, qui demande au président colombien Juan Manuel Santos d'intervenir.
"Les pêcheurs ont peur et ils n'osent pas" sortir car "si un bateau nicaraguayen les arrête, on va leur dire qu'ils frayaient dans leurs eaux territoriales", insiste-t-elle.
La production annuelle devait atteindre l'an prochain dans l'archipel notamment 495 tonnes de poissons et 150 tonnes de langouste, un chiffre désormais exclu, a indiqué Marcela Sjogreen, responsable de la pêche au sein de l'exécutif régional.
"Nous rejetons ce jugement absurde. S'il est respecté, c'est au détriment des habitants" de l'archipel, souligne-t-elle, en rappelant que les pêcheurs de San Andrés "sont ceux qui alimentent une grande partie de la population".
Le gouvernement colombien refuse le jugement de la CIJ, faisant valoir que ces îles se retrouvent enclavées dans les eaux territoriales du Nicaragua. Il a pour sa part annoncé qu'un groupe d'experts étudiait les actions juridiques possibles et a exposé ses griefs notamment aux Nations unies et à l'Organisation des Etats américains (OEA).
De son côté, le président du Nicaragua, Daniel Ortega, a annoncé que son pays avait commencé lundi à "exercer sa souveraineté" sur sa nouvelle zone maritime, réclamant le retrait de tous les navires des forces armées colombiennes patrouillant dans ces eaux.