L'Argentine a plaidé l'immunité, et donc la libération immédiate, pour sa frégate retenue depuis près de deux mois dans un port ghanéen, vendredi devant le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) à Hambourg (Allemagne), qui rendra sa décision en principe le 15 décembre.
Le président du tribunal, le Japonais Shunjii Yanai, a choisi "le 15 décembre comme date provisoire pour la lecture de l'ordonnance", a indiqué le TIDM vendredi à l'issue de deux jours d'audiences pour entendre les deux parties.
Le Libertad, navire-école de la marine de guerre argentine, avait mouillé à Tema (à 25 km de la capitale Accra), mais n'avait pu en repartir sur une décision de la justice du Ghana, saisie par un fonds spéculatif international qui réclame le paiement de reliquat de dettes à l'Etat argentin.
Ce blocage depuis le 2 octobre du grand voilier en visite officielle démontre de la part du Ghana "une méconnaissance grave des normes internationalement reconnues", a déclaré l'ambassadrice argentine Susana Ruiz Cerutti.
L'équipage restant "vit dans la crainte d'un abordage de force. Le capitaine et son second n'osent descendre à quai", pas plus que les marins, a ajouté cette juriste du ministère argentin des Affaires étrangères.
La délégation argentine a affirmé vendredi matin que les bateaux de guerre bénéficient de l'immunité au titre de l'article 32 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982.
Mais les représentants du Ghana ont estimé jeudi soir que le TIDM était incompétent pour juger d'un "différend commercial privé": le Tribunal doit rejeter la mesure préventive de l'Argentine, ont-ils dit, en arguant que le bateau n'avait pas d'immunité car Buenos Aires avait émis des bons du Trésor en 1994 conformément à un contrat de "Fiscal Agency agreement" de droit new-yorkais.
Enfin, estime le Ghana, il n'y a pas de caractère d'urgence au départ du Libertad car son équipage "dispose de tout le nécessaire" à Tema avec notamment l'eau et l'électricité.
Un juge allemand du TIDM, Rüdiger Wolfrum, a indiqué jeudi soir que le tribunal ne rendrait publique sa décision sur la demande de libération immédiate que le 15 décembre, en raison de la complexité du dossier.
Mme Ruiz Cerutti a réclamé vendredi que le tribunal se saisisse du fond sans attendre la création d'un tribunal arbitral. Elle a reconnu que la situation était calme à Accra mais affirmé que la frégate devait changer de quai dans le port d'ici au 6 décembre.
C'est une plainte du fonds d'investissement NML Capital Limited qui est à l'origine de la détention du Libertad par les autorités ghanéennes. Ce fonds, qui a son siège aux Iles Caïman, un paradis fiscal, réclame plus de 370 millions de dollars (283 millions d'euros) à l'Argentine après avoir refusé des offres d'échange de titres de dette à deux reprises, en 2005 et 2010.
Pour Buenos Aires, la décision du pays ouest-africain de retenir le navire viole les traités internationaux. Pour Accra, en revanche, il s'agit d'une décision de la justice, qui est indépendante.
Fin octobre, Buenos Aires avait dû procéder à l'évacuation de son navire le plus emblématique, rapatriant par avion 280 marins. Quarante-cinq autres sont restés à bord de la frégate pour s'occuper de sa maintenance.
L'Argentine s'était déclarée le 23 décembre 2001 en défaut de paiement, le plus important de l'histoire, 100 milliards de dollars (75 milliards d'euros), et avait écarté toute négociation avec ses créanciers. Le pays sud-américain avait ensuite lancé des offres d'échange, soldant 93% de sa dette. La plupart des 7% restants sont entre les mains de fonds spéculatifs qui ont lancé des procédures judiciaires.