Deux hommes se laissent glisser dans l'eau au pied de l'emblématique phare d'Ar-Men, au large de la pointe du Raz, dans une zone réputée pour ses vagues et ses puissants courants. Leur objectif est de rejoindre la côte à la nage pour la sauvegarde des phares en mer. Retour sur ce défi qui s'est déroulé ce weekend dans le Finistère.
"J'ai le trac, ce n'est pas rien d'accomplir une telle traversée !" assure Alain Gregis, petit bonhomme de 56 ans, depuis le bateau qui le conduit au pied du phare par une mer agitée ne dépassant pas les 16 degrés. Le nageur a pourtant déjà effectué la traversée de l'île de Groix à Lorient et du lac Léman dans le sens Montreux-Genève (77 km) en relais non-stop sur 24h.
Grand gaillard de 50 ans, Jacques Tuset est quant à lui un marathonien international plusieurs fois médaillé qui a déjà effectué la traversée de la Manche et du détroit de Gibraltar.
Jamais réalisée à ce jour, la traversée depuis le "phare des phares" - qui dresse sa silhouette fatiguée à plus de 30 mètres au-dessus des flots - jusqu'à la baie des Trépassés, 25 km plus loin sur le continent, vise à attirer l'attention du public sur la nécessité de sauvegarder le patrimoine des phares en mer. Murs fissurés, bloc de pierre prêts à s'effondrer, murets détruits, tâches de rouille, le phare d'Ar-Men est soumis depuis 1881 à des conditions extrêmes, à l'image d'autres feux construits en pleine mer.
"C'est un ouvrage qui souffre car il n'est pas entretenu comme on voudrait qu'il le soit", assure Marc Pointud, président de la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPB), qui organise la traversée et œuvre en faveur de la sauvegarde de ce patrimoine historique, réclamant de l'Etat "une vraie politique claire et volontariste".
"Objectif atteint"
Enveloppé dans sa combinaison néoprène, Alain Gregis nagera pendant cinq heures, guidé par deux kayakistes, avant de rejoindre le bateau qui assure sa sécurité. "Ar-Men c'est le Cap Horn breton, les courants et mouvements de marée sont extrêmement violents", explique-t-il. Jacques Tuset, qui a pris la mer vêtu d'un simple maillot de bain, nagera lui dix minutes de plus, et parviendra à rejoindre le phare de Tévennec, soit une traversée de près d'une vingtaine de kilomètres. "Je m'attendais à ce que les courants soient beaucoup plus favorables", explique-t-il, soulignant des difficultés également au départ en raison des vagues qui ont "complétement désorganisé" sa nage.
Cependant, les deux nageurs de l'extrême se disent satisfaits. "L'objectif qui consistait à alerter le public sur la situation d'Ar-Men est atteint", assure Alain Gregis.
Le ministère de l'Ecologie et du Développement a autorisé la SNPB a développer un projet de résidence d'artiste sur le phare de Tévennec, garantissant sa pérennité. Mais le ministère a cependant jugé que, sur les autres phares, "aucun usage alternatif n'est envisageable", au grand regret de Marc Pointud. "Avec un peu d'imagination il y aurait plein de choses à faire !"