Six mois après les tempêtes de fin décembre, premières d'une série dévastatrice cet hiver, les plages meurtries du Sud-ouest peaufinent leur cicatrisation à temps pour le flux estival.
Difficile à imaginer ces jours-ci en voyant le bal de pelleteuses charriant des roches de 3-4 tonnes pour renforcer les "fondations" de la dune à Lacanau-Océan, mais la station-phare de Gironde accueillera bien d'ici dix jours ses milliers de baigneurs quotidiens.
De la Côte Basque à l'île de Ré, tout ce que les régions Aquitaine et Charentes comptent de côte, sableuse surtout, a subi entre décembre et mars les assauts successifs des gros coefficients de marée et des tempêtes "Dirk", "Petra", "Hercule", "Christine", "Brigitte". Promenades disloquées, parapets ou escaliers emportés, plages jonchées de déchets (bois, plastiques, bidons) au point que l'accès en fut interdit plusieurs week-ends...
A la veille de l'été, la métamorphose est impressionnante et les touristes peineront à voir les traces des tempêtes ou le recul du trait de côte de 10 à 20 mètres en maints endroits.
"On a ouvert nos plages depuis le 1er mai au nord et au sud. On est prêt à recevoir tout le monde et on ouvrira la plage centrale le 1er juillet", assure le maire de Lacanau, Laurent Peyrondet. "Sans ces trois mois de travaux d'urgence, on n'aurait pas pu faire la saison", souligne l'élu, qui estime la facture à 2,8 millions d'euros et mise aussi sur le "réengraissement naturel" de la plage en cette période, espérant au moins 2 mètres de sable.
A Anglet, le cargo espagnol "Luno", échoué et brisé en trois en février, a disparu depuis le 15 juin, ses 14.000 tonnes de ferraille ont été démantelées, évacuées. Bientôt dépolluée de résidus métalliques, la plage des Cavaliers rouvrira le 1er juillet.
Sur l'île de Ré, 21 chantiers ont été ouverts pour deux millions d'euros. "Surtout du sable, des enrochements, pour reconstituer et fixer les dunes qui avaient reculé", parfois de 15 mètres comme à La Couarde, explique Lionel Quillet, président de la Communauté de communes de l'île. Or, au village de La Couarde, "la dune est le dernier obstacle avant la catastrophe".
A l'échelle du littoral aquitain, 7,2 millions d'euros de ces travaux "d'urgence" ont été engagés, l'Etat en assumant 30%.
"Les gens nous voient faire des travaux, se disent : ma foi, on est sauvés", souligne Laurent Peyrondet. "Mais on sait très bien que dans 40 ans, notre plage centrale n'existera plus. Il faut se préparer à relocaliser, peut-être défendre, mais il faut que ça rentre dans l'esprit des gens: l'érosion n'est pas un vain mot", ajoute l'élu. Il envisage différents scénarii, allant d'une "défense dure" du front de mer, qui sacrifierait la plage, à des "relocalisations" (avec dune laissée plus ou moins sauvage). Lacanau est un des sites-clefs pour les "stratégies littoral" échafaudées à l'horizon 2040 sous l'égide du GIP (Groupement d'intérêt public) Littoral Aquitain. Au final, ce sont sans doute les coûts induits dans ces hypothèses de repli qui décideront ou dissuaderont.