Elles poussent comme des champignons et se vendent comme des petits pains : les luxueuses tours de Miami Beach chatouillent les nuages en bord de plage, mais, montée de l'Atlantique oblige, elles pourraient se retrouver les pieds dans l'eau d'ici 2100.
Pour autant, et ça n'est pas le moindre des paradoxes, les autorités locales misent justement sur le boom immobilier et les dollars qu'il draine pour combattre les effets du changement climatique.
A Miami Beach, ses effets se font déjà largement sentir. Les habitants se sont habitués à voir de plus en plus souvent les rues sous quelques centimètres d'eau salée.
Pour tenter de désengorger les artères, la municipalité est en train d'installer un système de pompes pour un coût estimé entre 300 et 500 millions de dollars. La facture est salée, mais le boom de l'immobilier permet de l'alléger car les rentrées d'impôts fonciers "augmentent", explique Eric Carpenter, directeur des travaux publics de Miami Beach.
De fait, lors du dernier exercice, Miami Beach a collecté 128 millions de dollars en impôts fonciers, soit une augmentation de 8,8% par rapport à 2013.
La ville a installé 25 des 80 pompes prévues et les résultats sont positifs. En octobre dernier, pendant la "méga marée", les rues de la ville sont restées pratiquement au sec. Un sacré contraste avec l'année précédente, lorsque le maire Philip Levine avait embarqué à bord d'un kayak dans une rue inondée pour avertir ses administrés de l'urgence de prendre des mesures.
Mais les autorités reconnaissent que les pompes ne sont qu'une solution à moyen terme. Le système a une durée de vie limitée et la montée des eaux s'accélère. D'ici 2100, la mer pourrait même monter jusqu'à 2 mètres. A ce niveau-là, les deux tiers de Miami Beach se retrouveraient sous l'eau, prévient le géologue Peter Harlem de la Florida International University.
Et M. Harlem, qui réalise des modèles pour prédire la hausse du niveau de l'océan, doute que les efforts actuels réussissent à sauver des eaux Miami Beach, qui, outre ses bars et discothèques, est connu pour ses joyaux architecturaux de style Art déco.
"Si vous dépensez votre argent pour des solutions faciles, au final il ne vous restera rien pour financer des projets beaucoup plus lourds. A long terme, je crains donc que l'augmentation du niveau de la mer ne coûte vraiment très cher, et nous n'aurons plus un dollar parce que nous aurons tout dépensé pour sauver seulement quelques endroits", met-il en garde.
Mais ces prédictions sont loin de faire peur aux investisseurs. Bien au contraire.
"Les gens n'ont pas peur de payer des sommes très élevées pour acheter des appartements. Les prix atteignent même des niveaux records. Certains appartements qui occupent tout un étage se vendent pour 10, 15, 20 ou même 30 millions de dollars à Miami Beach", affirme Harvey Daniels, de l'agence immobilière de luxe One Sotheby's. "Miami Beach traverse une bonne période. Il y a beaucoup de nouveaux projets et tout se vend très vite", indique M. Harvey. Et le changement climatique ne l'inquiète pas le moins du monde. "Il y aura un impact à l'avenir, mais la ville de Miami Beach prend des mesures", dit-il.