Répondre au téléphone au milieu de la nuit pour une panne de dessalinisateur, conseiller le skipper par vidéo pour qu'il se fasse lui-même des points de suture... Pendant la course, les solitaires du Vendée Globe pourront compter 24h/24 sur leurs équipes à terre.
Pour aligner le monocoque de Yann Eliès au départ, Erwan Conan, spécialiste en matériaux composites, assure avoir donné pendant des mois "tout ce qu'il a pu". "Maintenant, c'est à Yann de s'exprimer sur l'eau. Pour moi, c'est la fin des 'emmerdes' et le début des ennuis", ironise-t-il.
A quelques jours du départ (dimanche des Sables-d'Olonne), les équipes qui suivent les skippers sentent le stress monter. "On sera tout le temps en veille, on ne sortira plus, on vivra la course par procuration", témoigne Ronan Lucas, directeur du team Banque Populaire. Une situation qu'il juge "assez difficile à vivre à terre", car "dès qu'il y a un petit problème, on imagine toujours le pire". Les pannes les plus fréquentes sont électroniques, informatiques ou viennent des efforts sur les voiles.
Selon les budgets, les équipes mobilisées pendant la phase de préparation vont de quelques personnes à une vingtaine, en comptant les ingénieurs des bureaux d'études, pour un bateau conçu de A à Z, et la communication.
Le coup d'envoi donné, une à trois personnes resteront en veille 24h/24 et feront appel si besoin aux spécialistes des différentes parties du bateau (gréement, accastillage etc). En interne pour les grosses équipes aux préparateurs en CDI, chez des prestataires pour les plus petites.
"Le rôle de l'équipe est de me guider, c'est elle qui connaît le mieux le bateau, car même si je sais un peu tout faire, je ne suis pas expert en mécanique ou en composite", souligne Armel Le Cléac'h, l'un des favoris.
Parti sous la bannière Generali en 2008, Eliès court cette année avec un budget moins important. "Si on pouvait, on aurait une ressource humaine en face d'une compétence, mais comme on est une petite équipe, on recrute des personnes à double profil", explique-t-il. Il ne se sent pas pour autant pénalisé, assurant avoir "compensé le manque de moyens par une plus grande expérience". "Il y a de grosses disparités dans la préparation des voiliers, les projets les moins riches ont trois ou quatre personnes, souvent des copains ou de la famille", reconnaît Jacques Caraës, directeur de course. Mais une fois sur l'eau, "tout le monde obéit au même règlement".
Pendant la course, les journées à terre sont rythmées par les positions du bateau. "On s'endort en regardant la position, on se réveille avec, on se retrouve pour échanger sur la course et on espère que le téléphone ne sonnera pas", résume Pierre Tissier, directeur technique de l'écurie Gitana (Edmond de Rothschild, le bateau de Sébastien Josse, un autre favori).
Selon la personnalité des skippers, les équipes se fixent leurs propres règles de communication. "A chaque fois qu'on a un contact avec le bateau, on envoie un texto aux autres pour dire que tout va bien", déclare ainsi David Sineau, team manager de Tanguy de Lamotte.
Autre personnage clé : le médecin de course Jean-Yves Chauve, qui officie depuis la première édition et a la particularité de "faire parfois ses prescriptions en fonction de la météo". "J'interviens essentiellement sur de la traumatologie, mais c'est aussi à moi de lire entre les lignes pour voir si les skippers n'ont pas un coup de blues", raconte-t-il.
Se mettre le plus possible dans la peau du régatier, tel est aussi le rôle des équipes à terre. "Si on est euphoriques alors qu'il est dans un coup de baston à 40 noeuds, on sera complètement en décalage, note Erwan Steff, 'boat captain' d'Eliès. Inversement, on le renseigne sur l'actualité pour qu'il reste en phase avec le monde".