Réunie cette semaine aux Nations unies pour les négociations finales en vue d’un nouveau Traité dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), la communauté internationale dispose de sa dernière occasion, après des décennies de planification, de débats politiques et, plus récemment, de reports en raison du COVID-19, pour garantir la conservation de la biodiversité de l’océan en haute mer.
Les discussions, qui portent pour la première fois sur la conservation de la biodiversité de l’océan dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale (ZSADJN), également dénommées « haute mer », interviennent à un moment critique pour la vie marine et un environnement vital pour le système alimentaire mondial et la lutte contre le changement climatique. Actuellement, seul 1,2% de la haute mer bénéficie d’une protection.
« Après des décennies de négociations et de projections, le monde dispose aujourd’hui d’une occasion unique pour protéger de manière significative un environnement qui soutient la vie telle que nous la connaissons », prévient Peggy Kalas de la High Seas Alliance. « Avec le changement climatique et la surexploitation à l’échelle industrielle qui provoquent maintenant un déclin dangereux de la biodiversité marine, nous n’aurons peut-être pas d’autre chance. »
Pour Peggy Kalas, « il est difficile d’exagérer à quel point ces négociations sont cruciales pour l’économie mondiale de l’océan, qui représente plusieurs milliards de dollars, une source de nourriture vitale pour des milliards de personnes, et peut-être la meilleure protection de la planète contre le changement climatique ».
Couvrant près de la moitié de la surface de la planète, la haute mer - un véritable bien commun mondial - n’est protégée que par un patchwork de règlements mal appliqués et peu adaptés pour faire face à l’impact croissant des pressions sur la colonne d’eau et les fonds marins, notamment le changement climatique, la pollution, la pêche et les activités émergentes comme l’exploitation minière en eaux profondes.
Les négociations, dont l’objectif est de parvenir à un accord sur un traité juridiquement contraignant régissant l’utilisation durable des zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale, ont débuté en 2006 et ont depuis bénéficié d’une sensibilisation accrue des scientifiques à la vie et aux habitats marins en haute mer, ainsi qu’aux dangers qu’ils encourent du fait des activités humaines. Autrefois considérée comme largement dépourvue de vie ou trop éloignée pour être confrontée à de graves menaces de surexploitation par l’homme, un ensemble de preuves montre aujourd’hui que la haute mer abrite une écologie marine dynamique, vitale pour l’approvisionnement alimentaire mondial, l’écologie terrestre et le système climatique de la planète.
Toutefois, le développement des navires de transport maritime et des technologies d’exploitation minière des fonds marins, ainsi que de nouvelles activités telles que la « bioprospection », ont soudainement mis la haute mer et les fonds marins à portée de main, menaçant de détériorer le réseau complexe de la vie océanique et de compromettre les progrès importants réalisés sur terre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Face aux menaces nouvelles et émergentes qui pèsent chaque jour sur l’océan, un leadership politique est nécessaire pour parvenir à un accord solide lors de ces négociations.
Pour que le nouveau Traité aille au-delà du statu quo et soit digne des décennies d’efforts déployés pour combler les lacunes en matière de gouvernance des océans, il doit au minimum fournir les éléments mentionnés ci-dessous.
Aires marines protégées (AMP)
Des réseaux d’aires marines protégées (AMP) hautement et intégralement sauvegardés, bien gérés et représentatifs, constituent l’outil le plus efficace pour protéger la vie océanique face au nombre croissant d’activités humaines dans l’espace océanique et à leurs impacts, au changement climatique et à ses effets cumulatifs, bien qu’il n’existe actuellement aucun mécanisme juridique permettant d’établir des AMP intégralement protégées au-delà des frontières nationales.
Il est essentiel que le nouveau Traité prévoie l’établissement et la gestion efficace d’un réseau d’AMP représentatives et bien connectées, ainsi que de réserves marines entièrement protégées, conformément aux recommandations scientifiques.
Le Traité devrait donner à la Conférence des Parties (CdP) le pouvoir d’établir des AMP et d’autres outils de gestion par zone pour la gestion de la conservation, avec un plan de gestion et des mesures concrètes pour atteindre leurs objectifs, afin de combler les lacunes créées par les organisations régionales ou sectorielles qui prennent des mesures disparates qui ne tiennent pas compte des impacts cumulatifs, intersectoriels et liés au climat des activités humaines en haute mer.