Transat Paprec : un océan d'incertitudes

Vis ma vie à la Transat Paprec. Après deux semaines de mer, « c’est toujours la même image : de l’eau bleue, un peu de soleil, un spi blanc. C’est plus ou moins gris, plus ou moins bleu et c’est comme ça depuis un paquet de jours », résume Davy Beaudart (Hellowork). Les marins ont appris depuis longtemps à gérer les incertitudes sur leur route.
Parmi les préoccupations du moment, les grains qui assombrissent le ciel et jettent leur colère sur la flotte. « Ils nous pourrissent la vie », assure Martin Le Pape (Demain). « Parfois, on se fait un peu avoir par les grains » ajoute Mael Garnier (Selencia-Cerfrance). Pier-Paolo Dean et Tiphaine Rideau (Les Banques Alimentaires) ainsi que Laure Galley et Kévin Bloch (DMG MORI Academy) les ont immortalisés. « On a du vent, des grains et normalement après, on est en vacances », sourit Kévin.
Mais avant, il y a le dénouement d’une course à écrire. Et ça passe par le contournement de cette bulle sans vent (une zone de molle), immense étendue disparate qui semble encercler les Antilles. « C’est un sacré casse-tête qui va fortement resserrer le jeu », reconnaît Thomas André (Cap St Barth). La zone et les grains ont déjà fait des siennes : Romain Bouillard et Irina Gracheva (Décrochons la lune) se sont retrouvés complètement empétolé. « Le moral en a pris un coup, confie Romain. C’est dur de se dire qu’on a bossé 12 jours pour se retrouver là et ne rien pouvoir faire. Je suis dégoûté, il va falloir du temps pour digérer ». Ça a également été le cas pendant une heure pour Martin Le Pape et Mathilde Géron (Demain).
Deux approches bien distinctes
En tête de flotte, on distingue différentes approches. D’un côté les leaders, Skipper Macif (Charlotte Yven et Hugo Dhallenne, 1ers), Wings of the Oceans (Alexis Thomas et Pauline Courtois, 2es), Les Étoiles Filantes (Quentin Vlamynck et Audrey Ogereau, 3es) et Cap St Barth (Cindy Brin et Thomas André, 4e) qui font depuis hier soir une route légèrement plus nord avant d’entrer dans la grande zone de molle.
De l’autre, un groupe de poursuivants, menés par Demain (Martin Le Pape et Mathilde Géron, 5es), Victor Le Pape et Estelle Greck (Région Bretagne CMB Espoir, 6es) ainsi que Lola Billy et Corentin Horeau (Région Bretagne CMB Océane, 7es et auteurs d’une sacrée remontée). Eux tentent de couper la route, à plus de 100 milles de latérale des leaders. En somme, ils comptent faire moins de chemin même si leur route semble légèrement plus périlleuse.
L’écart entre leaders et poursuivants se resserre encore
« Face à cette bulle sans vent, on constate qu’il y a très peu de distance entre cette zone et les endroits où il y a du vent »,, souligne Yann Chateau à la direction de course. Il reprend la métaphore de « la route empruntée par un 4x4 et bordée de fossés » de Francis Le Goff. « Ça se joue à chaque petite variation de vent ».
Plusieurs constats s’imposent. Premièrement, les leaders ne se voient plus à l’AIS ce qui « a contribué à l’explosion du groupe de tête », dixit Yann. Deuxièmement, des routages font passer tout droit vers Saint Barthélemy, ce qui avantage le groupe de poursuivants. « Désormais, il n’y a plus que 2h30 d’écart à la fin sur certains routages, ce qui montre que les conditions sont propices à un retour par derrière ».
Enfin, il reste très difficile d’anticiper ce qui va se passer dans les prochaines heures. « C’est difficile à dire, reconnaît Yann. Là, ils vont tenter de jouer avec les oscillations du vent et d’exploiter chaque variation d’angle, chaque variation de pression pour tenter d’être ralentis le moins possible ». Au coeur de cette bataille harassante, les skippers pourront peut-être méditer cette citation bien connue de Socrate : « ce que je sais, c’est que je ne sais rien ».
DES NOUVELLES DE LA FLOTTE
Dans les vidéos, les audios et les messages envoyés par les skippers, il y a l’idée que rien n’est facile, surtout après 13 jours de mer. « Direction St Barth, on va voir la tombe de Johnny », s’amuse quand même Kévin Bloch (DMG MORI Academy). « On est à six jours de l’arrivée, ça fait deux semaines qu’on est trempé, les conditions ont été rudes, on est bien cueilli ! », ajoute Mael Garnier (Selancia-Cerfrance).
À bord d’Humains en action, Anaëlle Pattusch et Hugo Cardon se sont retroussés les manches pour faire des réparations et « fiabiliser les choses pour que ça tienne jusqu’à l’arrivée ». « Ça commence à être long mais mentalement, on tient bon » assure Pier-Paolo Dean et Tiphaine Rideau (Les Banques Alimentaires). Julie Simon (Hellowork) préfère positiver : juste avant de prendre son quart et après s’être brossée les dents, elle évoque « les belles lumières » provoquées par les grains. De son côté, Cindy Brin a immortalisé la lune cette nuit et s’est réjouie de la voir enfin visible.
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