Sur la côte méditerranéenne, des croisières de moins en moins acceptées

Par AFP/Figaronautisme.com

"Nous sommes des activistes et vous ne pouvez pas entrer dans le port de Marseille": mi-juin, quelques canoës ont brièvement bloqué le plus grand paquebot de croisière du monde, illustrant le ras-le-bol croissant en Méditerranée face à cette industrie jugée trop polluante.

"Quand on a des aberrations comme celle-là sous nos yeux qui nous impactent aussi directement, on ne peut que se sentir investis d'une mission de se mobiliser", explique Rémy Yves du collectif "Stop Croisières", créé en mai dans la deuxième ville de France.

Les activités maritimes sont responsables de 39% des émissions de dioxyde d'azote (NOx) --un polluant de l'air-- sur la métropole marseillaise, juste derrière le trafic routier (45%), selon AtmoSud.

Un navire de croisière à quai pendant une heure émet autant que 30.000 véhicules roulant à 30 km/h, estime cet organisme chargé de surveiller la qualité de l'air dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

"Aberration", le mot est martelé par les militants pour décrire le "Wonder of the Seas" qu'ils ont bloqué, propriété de Royal Caribbean: 362 mètres de long, 15 piscines, un simulateur de surf, une patinoire, des robots à cocktail...

Une activité très consommatrice "qui n'a plus lieu d'être dans le monde de demain", estime Rémy Yves. Dans le monde d'hier, pendant le premier confinement, jusqu'à 17 paquebots avaient été bloqués à Marseille moteurs allumés face à des riverains ébahis.

- Pancartes hostiles -

Comme Michèle Rauzier, retraitée, qui a installé des capteurs en "open data" dans sa bastide près du port pour mesurer en temps réel une pollution mouvante, qui dépend du panache de fumée, des vents et touche en premier lieu les quartiers déshérités du nord de Marseille.

"Je crois que le patrimoine marseillais vaut bien quand même qu'on aille le découvrir plutôt que de rester autour d'une piscine à faire la danse des canards", s'agace-t-elle auprès de l'AFPTV.

Et la grogne monte et s'organise sur toute la côte méditerranéenne française, comme ce fut déjà le cas à Barcelone et dans les Baléares en Espagne ou à Venise (Italie) qui a interdit l'an dernier les grands paquebots dans son centre historique, classé à l'Unesco.

A Nice, des riverains ont obtenu qu'un bateau trop bruyant et trop polluant quitte le port en juin.

En juillet, des militants indépendantistes corses ont retardé l'accostage à Ajaccio d'un autre paquebot de croisière du géant du tourisme TUI. Lors d'une manifestation quelques jours plus tard, les croisiéristes étaient accueillis en Corse par des pancartes hostiles: "Pour un peu d'argent, ils tuent terre et mer".

Dans ce contexte, des élus de premier plan sont montés au créneau.

En Corse, le président autonomiste du Conseil exécutif Gilles Simeoni a reconnu que "ce mécontentement exprime des vraies problématiques" et que "ce type de séjours sur des méga-bateaux polluants ne correspond pas aux axes de tourisme durable".

"Je ne pouvais pas rester les bras ballants, dans une situation de crise avec une atmosphère polluée et des pics de canicule" tout l'été, confie de son côté le maire de Marseille, Benoît Payan (Printemps marseillais, union de la gauche).

Il a lancé une pétition contre la pollution maritime en interpellant l'Etat et l'Organisation maritime internationale (OMI), signée à ce jour par environ 50.000 personnes sur une ville qui compte plus de 870.000 habitants.

La mairie veut notamment faire pression pour accélérer les processus d'instauration en Méditerranée de la zone à faibles émissions d'oxyde de soufre, dévastateur sur la vie marine, dite "SECA", prévue pour 2025.

- l'électrification, fausse solution ? -

"La Méditerranée, c'est le dernier endroit du monde où l'on peut faire n'importe quoi, ça suffit, nous ne sommes pas la poubelle du monde", tempête Benoît Payan qui ne comprend pas pourquoi cette réglementation est déjà appliquée en mer Baltique ou du Nord mais pas ici.

Du côté du port de Marseille, un des plus grands de France, on se garde bien de tout "jugement de valeur" et on estime être en "avance" avec "des navires de croisières de plus en plus propres, un peu plus jeunes sur Marseille (neuf ans de moyenne d'âge contre 14 ans ailleurs)".

"Et on travaille d'arrache-pied sur le branchement électrique à quai de deux paquebots en simultané d'ici 2025", énumérait Hervé Martel, président du directoire du port de Marseille-Fos, lors d'une rencontre avec la presse en juillet.

Cette saison, le taux de remplissage des navires de croisières est estimé à 65% mais Alain Mistre, président de l'Union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF), espère bien retrouver le succès d'avant-Covid où jusqu'à près de deux millions de passagers avaient afflué sur Marseille.

Pour les anticroisières, qui annoncent une mobilisation européenne contre le tourisme de masse fin septembre, les retombées économiques des croisières sont "dérisoires" pour les villes et région où se font les escales.

Certaines collectivités prônent et financent l'électrification des quais, déjà effective pour alimenter en énergie les ferries vers la Corse, afin de réduire la consommation de carburant et les fumées.

Mais les opposants dénoncent un non-sens avec des quantités d'électricité énormes nécessaires dans une période où la sobriété énergétique est de rigueur.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…