
Figaro Nautisme : Comment devient-on le patron d’un chantier breton qui construit exclusivement des trimarans de 6,9m à 9,20m ?
Antoine Houdet : "J’ai démarré le chantier en 2003 pour construire le bateau dont j’avais envie... Tout simplement. Nous pratiquions le raid en catamaran de sport mais avec la naissance des enfants, il nous fallait un tout petit peu plus de confort à bord ! Je me suis donc lancé dans la construction d’un premier bateau à sensations, rapide, avec un abri suffisant à bord. C’était juste super : le plus jeune des enfants a commencé à naviguer sur ce bateau à... 3 semaines ! Rapidement, j’ai eu des demandes pour en fabriquer d’autres et ce premier Tricat 22 s’est vendu à 38 exemplaires. Au début de l’aventure, j’étais seul dans l’entreprise, mais rapidement j’ai embauché et pour éviter d’être un chantier « monoproduit », j’ai décidé de développer une gamme de trimarans. Sans vraiment réaliser une « étude de marché », j’ai surtout cherché à comprendre les raisons pour lesquelles je n’avais pas concrétisé certaines ventes après les essais clients. Qu’est-ce qui ne lui avait pas plu ? Que manquait-il à ce premier Tricat pour séduire plus de propriétaires ? Clairement, ces prospects recherchaient non seulement un peu plus de confort mais surtout un bateau transportable et repliable. Nous avons pris en compte ces demandes, ces évolutions pour concevoir le Tricat 25 et sur tous les bateaux suivants."
François-Xavier Tillier : "Cela fait maintenant 8 ans que je travaille dans le nautisme. Je suis passé de l’aéro au bateau via l’électronique marine. C’est comme cela que j’ai rencontré Antoine. J’ai adoré ses bateaux mais aussi le chantier, l’ambiance, etc. J’ai tout de suite adhéré au concept « Tricat », vraiment. Et sur le ton de la plaisanterie, Antoine m’a un jour demandé : « toi qui rachètes n’importe quoi, tu ne veux pas racheter le chantier ? » [éclat de rire d’Antoine et de François-Xavier]. Et la blague est devenue réalité en 2024. Les Tricat sont performants, certifiés, sûrs, solides, bien conçus et terriblement addictifs. Mon travail consiste à conserver cet ADN indispensable et à développer la marque, particulièrement à l’export, où le marché pour ce type de bateaux existe - je pense par exemple à la Suisse ou au Canada - pays où nous sommes assez peu connus."
Figaro Nautisme : Vous proposez une gamme complète de trimarans repliables et transportables. Pourquoi ce choix un peu à contre-courant de ce que l’on peut voir sur les salons nautiques ?
Antoine Houdet : "Au début de l’histoire, il y a près de 25 ans maintenant, je voulais construire le bateau dont je rêvais : un bateau minimaliste, raisonnable en coût d’achat comme d’entretien mais capable de m’offrir de vraies sensations, du plaisir en navigation. L’idée n’était pas de reproduire ce que nous avons à la maison en termes de confort, cela n’a pas de sens pour moi en mer. Je ne suis pas non plus adepte de la sophistication à l’extrême qui engendre forcément des problèmes, des pannes, des galères. J’ai opté pour un bateau simple, rapide et qui offre des sensations : un trimaran léger et facile à mener, à mettre à l’eau et à gréer pour s’en servir à chaque fois qu’on en a envie !"
François Xavier Tillier : "Nous répondons à la demande des clients qui cherchent également un peu plus de confort. Mais nous pensons sincèrement que le plus important reste le plaisir en navigation. Le confort engendre du poids, un surcoût à l’achat et à l’entretien, alors que les propriétaires de Tricat recherchent l’aventure, l’authenticité, et peut-être plus que tout, une expérience au plus près de la nature. Je précise que nos bateaux ont gagné en confort par rapport à nos débuts, mais en conservant toutes les valeurs du chantier !
Dans la période actuelle, alors que les budgets de chacun sont de plus en plus contraints, proposer un bateau à un tarif raisonnable et qui demande le minimum en entretien est un vrai plus. C’est notre philosophie depuis le début et cela continue aujourd’hui."
Figaro Nautisme : Quelle est l’actualité du chantier en 2025 ?
François Xavier Tillier : "Cette année, nous avons présenté au salon du Multicoque de La Grande Motte un tout nouveau bateau, le Tricat 8,50. Un trimaran qui est un vrai Tricat : sportif, repliable, transportable, mais qui donne un peu plus de confort à bord à l’équipage. Ce nouveau trimaran sera exposé au Grand Pavois de La Rochelle en septembre et sûrement à Düsseldorf en début d’année prochaine. Un nouveau modèle, c’est important chez nous : en moyenne, nous présentons un nouveau modèle tous les 3 ans seulement.
Nous développons aussi actuellement des évolutions sur certains modèles avec notamment l’objectif d’être encore plus performant. Je pense par exemple à la version upgradée « Lac » du Tricat 6.90. Nous avons, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, la volonté de nous développer à l’export et avons déjà passé des accords de distribution aux USA, au Canada, en Allemagne, en Suisse ou encore à Dubaï. C’est là, un des axes majeurs de développement pour cette année et celles à venir."
Figaro Nautisme : Comment imaginez l’évolution de votre segment du marché - des trimarans simples, ludiques mais très performants - dans les 10 années à venir ?
Antoine Houdet :" Je n’ai pas le sentiment que la demande d’authenticité, de bateaux simples, rapides, performants et faciles soit en baisse. Bien au contraire même. Je sors souvent dans la baie pour quelques heures, pour le plaisir - maintenant que j’ai plus de temps pour naviguer - et nous sommes quasiment toujours le bateau le plus rapide du plan d’eau. Excepté quand les Ultim ou les IMOCA sont de la partie..."
François Xavier Tillier : "Je pense que notre créneau est et restera intéressant pour de nombreux marins. Il est possible de naviguer sur un Tricat tous les jours, même pour un petit moment. Ce sont des bateaux faciles, prêts à naviguer en quelques minutes. La météo est bonne ? Vous avez 2 heures devant vous ? Allez, une petite nav pour recharger les batteries et c’est parti ! Et comme, en plus, ce sont des bateaux véloces, on peut avoir un but de croisière assez éloigné sans souci. La demande d’authenticité des marins est de plus en plus importante ? Nous pouvons présager d’un futur radieux ! Nous avons aussi conscience que l’avenir passera forcément par la conception de bateaux un peu plus cossus, sans dénaturer pour autant notre ADN."
Figaro Nautisme : Tricat en chiffres ?
Antoine Houdet : "250 bateaux construits..."
François Xavier Tillier : "...100% de notre clientèle conquise et 60% de nos concurrents envieux [rires généralisés]. Plus sérieusement, nous construisons 15 bateaux par an et les modèles les plus diffusés atteignent les 80 unités. Un Tricat, c’est aussi 11 nœuds de moyenne, entre 15 et 25 sorties sur une année et 10 l d’essence par an !"
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Antoine Houdet : "J’ai accompagné récemment le client d’un Tricat 30 de Bretagne à Alicante par Gibraltar en une dizaine de jours, avec une moyenne quotidienne de 150 milles.
Ma prochaine nav : avec mon Tricat 30 personnel, avec lequel je fais aussi école de croisière en Bretagne. Nous partons en famille pour 4 semaines vers l’Espagne en traversant Gascogne."
François Xavier Tillier : "Ma dernière navigation a eu lieu entre La Grande Motte et Porquerolles à l’occasion du Salon du Multicoque avec des journalistes à bord. Nous n’avons pas eu beaucoup de vent, malheureusement.
La prochaine sera dans 2 jours, toujours avec des journalistes et toujours sur le Tricat 8.50."