
Partis de l’île de Banks au nord du Canada le 28 juin dernier, Sébastien Roubinet, Jimmy Hery et Eric André ont effectué plus de 2 500 km en Arctique, en autonomie totale, sans assistance et sans moteur. Ils ont contourné toutes les îles canadiennes (8) dont 7 n’avaient jamais vu de bateau à leur Nord. Avec leur catamaran – char à glace Babouch’ty, les explorateurs ont effectué 20% du parcours en naviguant sur l’eau libre grâce à des cracs (voies d’eau au milieu de la glace ou le long de la côte). Durant les 80% restants, les trois hommes ont dû tracter leur embarcation. Le trio a fait preuve d’une force physique et mentale hors-norme dans l’objectif d’être les premiers hommes à ouvrir cette voie, sans moteur, au cœur d’une nature vierge et éblouissante de beauté. « On a bien maigri ! » confiait Sébastien joint par téléphone iridium. « Nous espérions avoir moins de glace et naviguer une plus grande partie du trajet mais malgré tout, le bateau est toujours passé. Nous avons même dû parfois descendre en rappel ! Nous avons souvent été ralentis mais jamais arrêtés. »
Après avoir atteint le détroit de Nares, le 11 septembre dernier, à l’ouest du Groenland, les aventuriers ont dû faire face à des conditions extrêmes qui les ont bloqués pendant plusieurs jours au fond d’un fjord. L’expédition a pris fin dimanche dernier par 80° nord. C’est Sébastien Roubinet qui a choisi que l’expédition Nagalaqa se termine ici alors que les trois hommes étaient déjà contraints de se rationner en nourriture et que la météo s’annonçait dangereuse pour gagner un peu plus dans le sud.
« Nous avions peu de chances d’arriver en vie si nous continuions dans ces conditions, » explique l’aventurier.
« Vouloir aller plus loin aurait été contre le sens marin. Nous avons réussi le pari de passer au nord de toutes les îles avec notre catamaran prototype. Personne n’y était allé avant nous ! » Au prix d’un engagement extrême, au milieu des glaces de l'Arctique, Sébastien, Jimmy et Éric ont uni leurs efforts pour avancer, chaque jour un peu plus loin et rallier le Groenland depuis l’île de Banks au Canada.
Avec cette nouvelle expédition de 90 jours soutenue par le Fonds Odysseus, Sébastien réalise à nouveau une grande première. Alors qu’il est le seul aventurier, avec ses co-équipiers à avoir réussi le passage du nord-ouest à la voile (exploit pour lequel ils ont reçu le Prix de l’Aventurier 2007), il s’inscrit définitivement comme l’un des grands spécialistes de l’Arctique et comme un observateur passionné d’une planète riche de zones encore peu explorées. S’il est un homme discret, on sent aujourd’hui, alors que l’expédition qu’il a imaginée se termine, une grande émotion d’avoir accompli ce nouveau défi avec Eric et Jimmy. De la fierté certainement mais aussi une forme de nostalgie de quitter ces terres qu’il aime tant ! « Je n'oublierai jamais ces paysages du bout du monde, Banks et sa faune, les terres plates désespérantes de prince Patrick Brock, Borden, et le Ice Cap de Meighen, les montagnes d’Axel Heiberg, les glaciers d'Ellesmere, le détroit de Nares, la beauté du Groenland... »
Passionné de l’Arctique qu’il explore depuis près de 20 ans, Sébastien Roubinet ne cesse de s’émerveiller de cette terre sauvage. « C'est tellement rare de voir un loup en train de nous observer depuis une butte à 15 mètres du bateau et de ne sentir aucune peur ni d'un côté ni de l'autre ou de naviguer au milieu des Bélougas et des baleines et se rendre compte qu'elles se retournent presque tout le temps pour nous observer ou encore être en train de manger et avoir la visite d'un ours juste à 5 mètres du bateau... »
Certaines rencontres étaient plus engagées que d’autres comme avec cet ours trop curieux qui est venu à quelques mètres seulement de l’embarcation. Sébastien, Jimmy et Éric n’ont pas eu d’autres choix que de lui foncer dessus pour lui faire peur, au péril de leurs vies !
Cette expédition, au-delà de l’exploit physique, a permis de rapporter des données essentielles aux scientifiques sous forme des relevés d’ADN environnemental. Ce programme mis en œuvre avec l’université de Montpellier, sous le pilotage de Loïc Sanchez, en collaboration avec l’UMR Marbec, le CEFE (centre d’écologie fonctionnelle et évolutive) et l’ETH en Suisse, permettra aux scientifiques d’obtenir une variété d’informations précises sur la vie dans ces eaux peu explorées.
« Nous avons effectué la majorité des prélèvements prévus. Nous les avons répartis tout au long du parcours, dans des endroits différents comme des sorties de rivières ou des fontes de glaciers, » explique Sébastien. Le prélèvement d’ADN environnemental vise à mettre en évidence des traces de molécules laissées par les êtres vivants dans leur environnement via différentes excrétions. Sébastien et ses équipiers ont également effectué des mesures de glace, témoins inquiétants du réchauffement climatique et qui viennent compléter les observations satellites des scientifiques.
Actuellement au Groenland à Qaanaaq par 77°N, Sébastien, Jimmy et Eric rentreront en France la semaine prochaine. Babouch’ty, quant à lui, est à l'hivernage dans une petite baie idéalement située, au niveau de l'impressionnant cap Constitution, dans le Détroit de Nares. Il faudra atteindre le printemps prochain pour aller le chercher et le remettre en état pour une prochaine aventure.