Après une dernière nuit harassante dans des conditions toniques et toujours très instables, lors de laquelle ils ont cherché le meilleur placement et le meilleur angle pour négocier au mieux l’atterrissage sur la pointe nord de Grande-Terre, les leaders de la classe IMOCA ont désormais attaqué le tour de la Guadeloupe. Le tant redouté ultime morceau du parcours, avec sa part d’aléatoire, en particulier aux abords de la bouée de Basse-Terre traditionnellement déventée par le volcan de la Soufrière. « Les dernières 24 heures ont été bien intenses, avec de fortes pluies et des grains dans tous les sens. Comme on était très toilé sur les bateaux, parfois, c’était un peu limite. Certains moments ont vraiment été chauds », a commenté Jérémie Beyou (Charal), auteur d’un joli retour en force sur le duo Thomas Ruyant (LinkedOut) – Charlie Dalin (Apivia). « J’ai mis un gros rythme. Ça m’a permis de bien revenir sur Charlie et de prendre mes distances avec Kévin (Escoffier / Holcim – PRB). C’était l’objectif avant le passage de la Tête à l’Anglais », a détaillé le Finistérien qui a entamé le contournement de l’île Papillon avec 20 milles de retard sur l’un puis 30 milles d’avance sur l’autre. « On va voir s’il y a quelque chose à jouer sur le tour de la Guadeloupe. Ce n’est jamais simple alors si en plus des grains s’en mêlent, ça ne va pas être évident », a ajouté Jérémie Beyou qui sait par expérience que la régate sous le vent de Basse-Terre réserve bien des chausse-trappes qui sont autant de chances à jouer. Surtout dans un contexte météo qui promet, selon les spécialistes, d’être plus délicats que ces derniers jours avec un risque élevé de calmes étendus et durables sur zone. « A priori, devant ils avancent donc il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas pour moi », a commenté le skipper de Charal qui va devoir faire preuve de clairvoyance mais aussi d’un brin de réussite sur cette section pour aller chercher cette place sur le podium qui lui tend les bras, tout comme la première place semble promise à Thomas Ruyant qui a passé la bouée de Basse-Terre 4h55 et se trouve maintenant à moins de 20 milles du but. Pour lui, plus que jamais, l’espoir de réaliser le doublé après sa victoire en Class40 lors de l’édition 2010 prend forme et pourrait se concrétiser dans moins d’une heure.
Le grand schuss se poursuit
En Class40, Yoann Richomme (Paprec – Arkéa) continue de faire cavalier seul en tête de flotte, avec une avance désormais portée à 120 milles sur la concurrence. « J’ai toujours plus de vent devant donc je suis bien avantagé. Depuis peu, j’ai même choisi un rythme un peu plus cool pour me reposer un peu, car c’était devenu trop intense. J’ai calmé le jeu de quelques degrés pour essayer de trouver du sommeil », a relaté le tenant du titre qui a remplacé le grand gennaker par un spi, hier en fin de journée, et continue de filer plein badin en direction des Antilles. « On est toujours sur le même bord qu’hier et avant-hier. Il n’y a pas de stratégie. Il y a un tout petit peu de réglages car les conditions changent de temps en temps, mais ce n’est quasiment rien. Ça reste monotone ! », a assuré le solitaire qui s’ennuierait presque si le bateau ne ricochait pas autant dans les vagues. « Le rythme reste assez effréné. Le bateau est lancé et ça va vite, mais ça tape beaucoup. C’est assez usant. On ne prend pas beaucoup de plaisir sur ces bords-là », a avoué le skipper de Paprec – Arkéa, d’ores et déjà impatient d’être à demain pour retrouver un peu plus d’action. « Il y aura quelques empannages à caler pour affiner un peu plus notre position vers l’arrivée. Le champ des possibles est toutefois assez faible mais j’ai une avance suffisamment confortable pour ne pas être obnubilé par la stratégie », a indiqué Yoann Richomme. Derrière lui, la donne est différente. Car s’ils n’ont pas non plus de coup à tenter pour se démarquer, sinon quelques décalages en latéral à jouer, ses poursuivants se tiennent dans un mouchoir de poche. C’est vrai surtout pour Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo) et Ambrogio Beccaria (Allagrande – Pirelli) que seuls deux petits milles séparent, mais aussi pour la petite bande composée d’Antoine Carpentier (Redman), Luke Berry (Lamotte – Module Création), Alberto Bona (IBSA) et Xavier Macaire (Groupe SNEF). « C’est sympa. Il y a des petits copains autour. Je regarde les pointages toutes les heures. Jouer sur les régales du pilote et des voiles, c’est en fait la seule chose que l’on puisse faire en ce moment », a confirmé Luke Berry, lui aussi impatient de voir le jeu se réouvrir davantage. « Dans 24 heures, on va commencer la bataille des jibes jusqu’à l’arrivée », a promis le Bretillien.