Il n’en revient toujours pas. Guirec Soudée vient de traverser l’Atlantique en 14 jours et 18 heures. Il y a une poignée d’années, les jours ne se comptaient pas vraiment de la même manière. C’était le temps d’avant, celui d’un tour du monde initiatique avec des rêves plein la tête avant une double transatlantique à la rame pour forger le marin et l’homme qu’il est.
« Habituellement, ce ne sont pas mes moyennes… »
Désormais, Guirec Soudée est un skipper IMOCA, les plus connus des monocoques, et il vient de boucler l’une des courses les plus iconiques de la planète voile, la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Le sourire et la décharge de joie, malgré la fatigue, sont donc plus que de circonstances. « Je suis encore sous le choc de me dire que je l’ai fait en l’espace de deux semaines, ce ne sont pas mes moyennes habituellement. Même si tu es focalisé sur les performances de ton bateau, c’est génial de faire une traversée aussi rapide. »
Guirec a les yeux qui brillent, des trémolos s’entendent parfois dans sa voix comme si l’émotion, celle qui ne se contrôle plus vraiment lors d’une arrivée en pleine nuit, affleurait à chaque phrase. « Je suis tellement heureux d’être allé au bout de cette aventure » confie-t-il alors. Franchir la ligne est une récompense en soit : elle assure la qualification pour le prochain Vendée Globe et elle démontre que le trentenaire a « de plus en plus en main » le bateau et qu’il a franchi un nouveau pallier en termes d’apprentissage.
« Je me sens privilégié »
Certes, la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, sa succession de fronts pour débuter et ses grains particulièrement virulents, a été tout sauf un long fleuve tranquille. Pourtant, fidèle à lui-même, Guirec a fait preuve d’audace, occupant même brièvement la 2e place du classement. « Moi je ne l’ai pas oublié, j’ai même fait des screenshots de la cartographie à ce moment-là », s’amuse-t-il en riant. Le Breton a également dû batailler et résister au cœur du chaos, quand la mer croisée et les rafales de vent compliquaient tout.
« Parfois tu as mal pour le bateau. Tu vois que ça tape fort et qu’il souffre », confiait-il à bord. Le skipper de Freelance.com a eu des problèmes d’énergie et puis il a surtout dû lutter avec ses voiles, à l’instar de la grand-voile qui s’est déchirée dans un front et du gennaker qui s’est arraché. « Je me sens privilégié d’avoir eu la chance de terminer », poursuit-il.
« À l’avenir, on va bien s’en sortir ! »
Une façon, aussi, d’engranger de la confiance, lui qui répète inlassablement « avoir encore tout à apprendre. » « Je commence à connaître vraiment bien mon bateau. J’arrive à plus le pousser dans des conditions très rudes et je me sens vraiment en sécurité à bord. Mais il y a encore des réglages à trouver. » Il apprécie plus que jamais son monocoque, un bateau « marin, résistant, pas trop compliqué à mener. »
Le duo que Guirec forme avec l’IMOCA Freelance.com a un Everest devant lui : le Vendée Globe 2024. « C’est dans deux ans, ça va vite arriver », s’enthousiasme Guirec. « Nous n’avions pas autant navigué avant. Je sens que je suis de plus en plus en phase avec mon bateau et on se comprend bien. » Le marin, lui, conserve intact sa lucidité et son enthousiasme. « J’ai la chance d’être hyper-bien entouré par mon équipe et d’être très motivé. Avec tous ces ingrédients, on va normalement bien s’en sortir à l’avenir ! »
UNE COURSE EN CHIFFRES
Temps de course : 14 jours 18 heures 58 minutes 48 secondes
Vitesse moyenne sur l’orthodromie (route directe) : 9.98 nœuds
Vitesse moyenne réelle : 11.83 noeuds
Milles parcourus : 4 199.40 milles
Écart avec le premier : 25e à 3 jours 1 heure 22 minutes 23 secondes