Utiliser l'océan comme une éponge à CO2, un pari contre le réchauffement climatique

Escales
Dimanche 30 avril 2023 à 11h30

©afp.com - Patrick T. Fallon

Dans le port de Los Angeles, une étrange barge recouverte de tuyaux et de réservoirs abrite une idée qui promet de faire des vagues: se servir de l'océan comme d'une éponge à CO2, pour retirer ce gaz à effet de serre de l'atmosphère.

Une équipe de scientifiques de l'université UCLA travaille depuis deux ans sur ce projet ambitieux pour lutter contre le réchauffement climatique, nommé SeaChange.

Leur objectif est "d'utiliser l'océan comme une grosse éponge", explique à l'AFP Gaurav Sant, directeur de l'Institut de gestion du carbone (ICM) de UCLA.

Les mers recouvrant l'essentiel de la Terre sont notre meilleur allié climatique, car l'océan agit comme un tampon essentiel: il absorbe plus d'un quart de toutes les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et 90% de la chaleur qu'elles ont émises ces dernières décennies.

Mais le principal puits de carbone de la planète est en danger: l'océan s'acidifie et l'élévation des températures diminue sa capacité d'absorption. L'équipe souhaite l'augmenter, grâce à un procédé électrochimique qui retire le CO2 contenu dans l'eau de mer.

"Si on arrive à éliminer le dioxyde de carbone présent dans les océans, on renouvelle essentiellement leur capacité à capter du dioxyde de carbone supplémentaire de l'atmosphère", résume M. Sant. Comme lorsque l'on presse une éponge pour récupérer son pouvoir d'absorption.

- Piégé dans des minéraux -

Les ingénieurs ont donc développé une mini-usine flottante sur un bateau d'environ trente mètres de long, qui pompe l'eau de mer et la soumet à une charge électrique.

L'électrolyse déclenche une série de réactions chimiques qui finissent par neutraliser le CO2 initialement contenu dans l'eau. Il se retrouve piégé dans une fine poudre blanche qui contient du carbonate de calcium, un élément que l'on retrouve dans la craie, le calcaire ou les coquillages, et du bicarbonate de magnésium.

Ces minéraux naturels peuvent être relâchés dans l'océan, ce qui permet de "stocker le CO2 de manière très durable (...) pendant des dizaines de milliers d'années", selon M. Sant. Et l'eau pompée retourne à la mer, prête à réabsorber le gaz à effet de serre de l'air.

L'ingénieur est persuadé que le processus n'aura pas d'impact sur l'environnement marin, une intuition qui reste à confirmer.

Outre le retrait du CO2 de l'atmosphère, le procédé produit également de l'hydrogène, un gaz essentiel à la transition énergétique qui pourrait propulser les camions, trains ou avions propres de demain.

La priorité pour enrayer le changement climatique reste de faire baisser drastiquement nos émissions de C02, ce que l'humanité n'arrive actuellement pas à faire.

Mais en parallèle, la plupart des scientifiques soulignent que les techniques de capture et stockage de CO2, regroupées sous le nom de "carbon dioxide removal" (CDR), vont jouer un rôle complémentaire pour garder la planète vivable.

D'abord, pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 en compensant les émissions des industries les plus difficiles à décarboner comme l'aviation, la cimenterie ou l'aciérie. Ensuite, pour s'attaquer aux stocks de CO2 accumulés dans l'atmosphère depuis des décennies.

- "Solution prometteuse" -

Garder le réchauffement sous contrôle nécessite d'extraire entre 450 milliards et 1,1 billion de tonnes de C02 de l'atmosphère d'ici à 2100, selon le premier rapport mondial dédié au sujet, sorti en janvier.

Cela implique que le secteur du CDR "croisse à un rythme d'environ 30% par an sur les 30 prochaines années, un peu comme l'ont fait le solaire et l'éolien", insiste l'un de ses auteurs, Gregory Nemet, professeur à l'université du Wisconsin-Madison.

La technologie de UCLA "entre dans la catégorie des solutions prometteuses qui pourraient être suffisamment importantes pour avoir une incidence sur le climat", estime-t-il.

En séquestrant le CO2 directement dans l'océan sous forme minérale, elle se distingue nettement d'une autre technique en vogue: la capture directe du CO2 dans l'air (DAC). Celle-ci nécessite de trouver un site pour stocker le gaz dans le sol, un processus très complexe et onéreux.

"Un gros avantage de notre procédé, c'est qu'on n'a pas besoin de pomper du CO2 dans le sol", reprend M. Sant.

Le projet doit maintenant être commercialisé par une start-up, Equatic, chargée de démontrer sa faisabilité à l'échelle industrielle et de vendre des crédits carbone aux entreprises souhaitant compenser leurs émissions.

En plus de la barge de Los Angeles, un bateau similaire est actuellement testé à Singapour.

Le retour d'expérience des deux sites doit permettre de concevoir des usines beaucoup plus grandes, capables "de séquestrer des milliers de tonnes de CO2 par an", selon M. Sant. L'ingénieur espère qu'elles seront opérationnelles d'ici "18 à 24 mois".

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l'atout voyage et évasion de l'équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l'actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne. Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l'édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com. Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l'Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Depuis toujours, François est passionné de voile en général et de multicoques en particulier. En croisière ou en course, de l’Europe à l’Australie, il ne les délaisse que lorsque le règlement l’exige : Mini-transat, Fastnet, Giraglia… Jamais rassasié de nouveautés, il a assisté à la plupart des salons sur les cinq continents. Depuis 2018 il se consacre entièrement à la rédaction et à l’information, notamment pour Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s'est toujours intéressé à l'équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l'auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d'occasion et qui décrivent non seulement l'évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Eric Mas est l'un des fondateur de METEO CONSULT – La Chaîne Météo. Éminent spécialiste de météo, Eric est également un marin passionné qui a routé les plus grands skippers sur toutes les eaux du globe : VDH lors du premier Vendée Globe, Philippe Jeantot, Jean Maurel, Michel Desjoyeaux, Francis Joyon, et tant d'autres. Actuellement il participe au projet de Lalou Roucayrol sur son multi 50.
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