Estomper doutes et appréhension
Comme après tout traumatisme, il faut du temps pour écarter l’appréhension, c’est ce qu’a ressenti Eric au moment de larguer à nouveau les amarres « j’ai l’impression d’être celui qui remonte en selle après une violente chute à cheval ». Des doutes qui vont très vite se dissiper au fil des milles mais qui sont aussi sains et naturels, comme l’explique le navigateur de 48 ans.
« Douter est une chance »
« Je suis quelqu’un qui doute : je doute de moi, de mes capacités. J’oublie régulièrement que j’ai des capacités et je suis obligé de m’y reconnecter avec un gros travail. Le doute c’est à la fois fatiguant, épuisant mais c’est aussi une chance, car ça pousse au questionnement et à la préparation. Y’a rien de plus insupportable qu’une personne qui a trop confiance en elle. Je pense même, que les gens qui ne doutent pas sont des gens dangereux, dangereux pour eux et pour les autres. »
Reconstruire cette confiance à force de travail et de patience, voilà la seule et unique clé. Pour celui qui doit à tout prix terminer une des transatlantiques au programme cette année pour pouvoir participer au Vendée Globe, il va falloir réessayer, redemander l’autorisation de passage à l’océan et espérer que cette fois ci, qu’il le laissera passer.
Entretenir la connexion avec le bateau
Quand Eric parle de sa toute première navigation sur le bateau familial vers les iles anglo-normandes, c’est un souvenir heureux qu’il évoque « un petit bonhomme de 6/7 ans, blond, la coupe au bol et fier de tenir la barre », mais il n’a pas toujours été serein sur un bateau. Il avoue même que jusqu’au Vendée Globe 2016, aller en mer était davantage un combat pour lui, un genre de corps à corps avec sa peur.
« La plus grande peur sur notre planète est en mer »
« J’ai commencé à aller en mer pour devenir un homme. Parce que pour moi, pour être un homme il fallait affronter sa peur et l’endroit où il y a la plus grande peur sur notre planète c’est en mer, j’allais donc en mer pour me battre avec cette peur. C’est sur le Vendée Globe que j’ai compris que ça ne servait à rien, que la peur gagnerait toujours, qu’elle serait toujours là et que la seule solution c’était d’en faire une amie, de la prendre sous le bras et d’avancer. »
Pour autant le bateau reste le meilleur allié d’un navigateur. Eric entretient un lien fort avec eux, il est habitué à les personnifier, à prendre soin d’eux, à les écouter au même titre qu’un équipier. Le lien à STAND AS ONE est d’autant plus fort qu’il lui a donné la vie, la confiance est alors absolue.
« Avec mon bateau, on est comme 2 soldats au front »
« Je m’efforce de créer la plus belle des relations qui soit avec mon bateau. On est un duo, je veille sur lui et il veille sur moi, comme 2 soldats seuls au front. J’ai toujours eu moins d’expérience que mes bateaux mais là ce n’est pas le cas, je suis plus expérimenté que lui, puisqu’il est tout neuf. C’est à moi de lui montrer le chemin et de le rassurer. »
Se connaitre
Partir sur ce type d’aventure requiert d’avoir un minimum d’assurance. Si aujourd’hui les équipes passent beaucoup de temps à affuter leurs bateaux, ils sont peu à miser de l’argent et de l’énergie sur le skipper et sa confiance. Pourtant le Vendée Globe est une histoire de couple : un skipper et son bateau. La vitesse du bateau étant bien souvent proportionnelle à la confiance de son capitaine. En amont d’un départ de course, il s’y prépare. C’est avec Gérard Vaillant, coach professionnel, qu’il travaille son aptitude mentale à se gérer dans ces moments particuliers.
« M'entourer d'un coach pour me connaitre est primordial »
« On est tellement vulnérables sur ces courses longues et difficiles qu’il ne faut pas partir pour de fausses bonnes raisons. Il faut se voir tel qu’on est avec nos forces et nos faiblesses, savoir pour quelle raison intime on se lance dans ce tour du monde. Et ça c’est difficile de le savoir quand on est la tête dans le guidon, à vivre à 100 à l’heure sur nos projets. C’est pour cette raison que je me prépare avec Gérard Vaillant, il m’aide à prendre ce recul nécessaire. »
Gérard Vaillant « Investir du temps dans sa préparation mentale pour performer »
« Aujourd’hui un sportif de haut niveau ne peut plus être le facteur limitant de sa performance. S’il en ressent le besoin, il doit investir du temps dans sa préparation mentale. Eric travaille beaucoup sur cet aspect-là, il a une très bonne connaissance de lui et de ses émotions. Il sait que partir au large, se confronter à la peur, le fait grandir. Comme lui, on a tous la possibilité d’aller plus loin.»
« Mon tatouage, ma piqure de rappel »
« J’ai un tatouage maori sur l’avant-bras droit, un endroit du corps que je peux voir quand je suis à la manœuvre puisque c’est mon bras d’action. Il représente une vague déferlante (la peur) et une étoile (l’au-delà), un dessin réalisé par un grand tatoueur marquisien avec une forte symbolique : au-delà de la peur il y a la connaissance de soi, le bonheur et la réussite. Ça m’oblige à me rappeler qu’il faut que j’aille au-delà de ma peur et surtout pas que je m’arrête du mauvais côté du miroir. »
Pouvoir compter sur ses concurrents
Le 10 novembre 2024, ils seront 40 solitaires à s’élancer sur les mers du globe pour un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. Le Vendée Globe est certainement la seule compétition sportive au monde où le concurrent le plus redouté peut devenir le plus grand allié. Dans les mers du sud, les endroits les plus reculés, seuls les autres concurrents peuvent se dérouter et venir en aide en cas de difficulté.
« Se mettre en danger pour l'autre : tout le monde le fera »
« On connait la difficulté de l’épreuve, on sait où on met les pieds, nous sommes tous des marins confirmés et j’ai aucun doute sur le fait que si j’ai un problème quelqu’un me viendra en aide. Je n’hésiterai pas une seule seconde à tout plier pour aller chercher quelqu’un. C’est facile à dire, moins facile à faire, quand il faut faire demi-tour et retourner dans la tempête, qu’on va se mettre soi même un peu en danger, mais je sais que tout le monde le fera. Ce qu’il reste de toutes ces aventures au final, ce ne sont pas des trophées ou des beaux reportages, ce sont des relations humaine s et, au mieux, des amitiés. »