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Le Tunisien Walid Boudhiaf, seul champion d'apnée d'envergure internationale du monde arabe, rêve de développer ce sport dans son pays, où "des milliers de gens le pratiquent sans le savoir". Lors d'un passage en Tunisie, l'athlète de 46 ans, qui vit six mois par an en Colombie et s'entraîne le reste de l'année aux Bahamas, a raconté à l'AFP son parcours exceptionnel.
Certes, il a grandi en Tunisie, qui compte 1.300 km de côtes et "a passé tous ses étés en bord de mer", avec des parents (un père tunisien professeur universitaire, une mère française médecin) qui l'ont initié à la nage dès ses 3-4 ans et à la pêche sous-marine à 12 ans.
Mais il ne connaissait pas l'apnée, et l'a découverte il y a une vingtaine d'années, "par hasard dans une piscine à Bogotá", à 1.000 km de l'Océan Pacifique.
Il s'y essaie au rugby sub-aquatique mais est "jugé pas assez agressif". Son instructeur détecte toutefois les aptitudes inhabituelles d'un sportif dont le record est de 7 minutes 38 sec sous l'eau sans respirer. Walid Boudhiaf commence "à s'entraîner jusqu'à six heures par jour", tout en travaillant le matin comme informaticien. "Je ne faisais que ça, je ne sortais plus." Vivre à Bogotá, à 2.600 mètres d'altitude -- ce qui stimule la production de globules rouges à cause d'un taux d'oxygène moindre -- lui a permis "de développer de très bonnes conditions cardiovasculaires".
Record du mondeWalid Boudhiaf a fait ses premières armes en compétition à Marseille en 2007 mais ce n'est qu'en 2012 qu'il a tout abandonné pour l'apnée, après "un dernier job de bureau aux Canaries, près de la mer".
Grâce à ses sponsors, "tous Tunisiens", il vit aujourd'hui de sa passion, en organisant aussi des stages comme instructeur. Sa notoriété à l'international date de son record du monde à -150 mètres en poids variable (VWT, descente le long d'un filin avec un lest, remontée avec palmes), établi le 17 janvier 2021 en mer Rouge en Egypte. "C'était un rêve que j'avais en regardant +Le Grand Bleu+ (film sorti en 1988) et les records d'Umberto Pellizari. 150 mètres c'est un chiffre rond qui représente une frontière de ce que l'être humain est capable de réaliser", souligne celui qui a aussi été champion du monde en 2022 (-116 mètres en 3 minutes et 54 secondes en plongée libre).
Après une moisson de médailles en avril dernier au "Deep Blue" sur l'île de Dominique (une d'or, deux d'argent, une de bronze), il "s'entraîne déjà pour le +Vertical Blue+ de juillet (2025), la compétition la plus importante au monde, sorte de Wimbledon de l'apnée". Il tentera d'y battre le record de -136 mètres en poids constant avec palmes (CWT), détenu par le Russe Alexey Molchanov, qui lui a ravi en mars 2023 son record mondial en poids variable en descendant à -156 mètres.
Au-delà de la recherche de records ou de compétitions où il est "parfois difficile de maintenir les pics de performance", Walid Boudhiaf s'emploie à développer l'apnée dans son pays. "Beaucoup de gens en Tunisie la pratiquent sans le savoir car des milliers de personnes s'adonnent à la chasse sous-marine, qui est de la pêche en apnée", souligne-t-il, rappelant aussi les traditions de la pêche des éponges ou de la collecte de corail.
"Tout le monde peut pratiquer" Même si en Méditerranée, l'Égypte, la Grèce ou la Turquie sont mieux placés pour les compétitions avec des "spots très profonds et proches du rivage" afin que l'équipe de sécurité puisse intervenir rapidement, la Tunisie est très adaptée à l'apnée récréative, selon lui. "Tout le monde peut pratiquer, pas besoin d'aller à 100 mètres de profondeur, si on a 20, 30 ou 50 mètres, un débutant peut progresser et arriver à un niveau avancé", estime-t-il, soulignant que l'apnée "n'est pas un sport pour riches" car il suffit d'un masque, de palmes et d'une combinaison isolante.
L'apnée est "la manière la plus naturelle pour observer la vie marine et interagir avec elle", explique le champion, vantant aussi des techniques de respiration qui "aident à rester en bonne santé" et des exercices mentaux pouvant "être utilisés en entreprise pour la gestion du stress".