Naviguer sur le Delta de l’Okavango : l’Afrique au fil de l’eau

Par Figaronautisme.com

Il est des lieux qui ne se visitent pas : ils se vivent, s’écoutent, se traversent à pas feutrés — ou à coups de pagaie, en silence. Le Delta de l’Okavango, joyau liquide du Botswana, appartient à cette catégorie rare de destinations qui déplacent vos repères. Fleuve sans mer, delta sans embouchure, cet immense éventail de canaux, de lagunes et d’îles verdoyantes s’étend sur plus de 15 000 km² au cœur du désert du Kalahari. Chaque année, l’eau y dessine un monde éphémère, une fresque mouvante qui respire au rythme des saisons. Naviguer ici, c’est s’immerger dans une Afrique intacte, puissante, magnétique. Un voyage à part entière, à la fois géographique, sensoriel et intérieur.

Aux origines du fleuve sans fin
Ce qui fait du Delta de l’Okavango un lieu si singulier, c’est d’abord sa géographie. L’eau y vient de loin : elle naît dans les hautes terres de l’Angola, entame un périple de plus de 1 600 kilomètres à travers le plateau, franchit les frontières namibiennes, puis s’enfonce au Botswana… pour disparaître. Ici, pas de débouché vers la mer. L’eau s’épanche, se divise, s’égare. Elle nourrit une végétation exubérante, abrite des milliers d’espèces et finit par s’évaporer dans l’air sec du Kalahari. Ce phénomène rare fait du delta l’un des seuls systèmes fluviaux intérieurs de cette ampleur au monde, et surtout un écosystème autonome, entièrement régi par le cycle naturel de l’eau.
Le Delta est vivant, au sens littéral : il palpite, se transforme, respire. En saison sèche, il se contracte, certaines zones deviennent des prairies verdoyantes. En saison des pluies — paradoxalement quand il pleut ailleurs, en Angola — il se gorge d’eau, et les plaines inondées attirent des hordes d’animaux. C’est un monde sans lignes droites, sans certitudes. Une carte mouvante, un dédale organique où chaque canal peut devenir une voie royale… ou se refermer sans prévenir.

Un autre rythme, une autre relation au voyage
Naviguer dans cet univers n’a rien d’une excursion classique. C’est une aventure lente, presque méditative. Le mokoro, embarcation traditionnelle taillée dans un tronc d’arbre (aujourd’hui souvent remplacée par des versions en fibre pour préserver les forêts locales), est le moyen le plus authentique de découvrir les canaux étroits. Poussé à la perche par un guide, il glisse sans bruit à travers les roseaux. Pas de moteur ici, pas de bruit parasite. Seulement le froissement de l’eau, les cris des oiseaux, le clapotis léger du mokoro qui fend la surface.
Dans cet environnement, le bateau n’est pas un outil de conquête, mais un lien ténu entre l’humain et le sauvage. Chaque détour est une surprise. Là, un groupe d’hippopotames qui surveille l’étrave d’un œil suspicieux. Ici, une girafe penchée pour boire, l’ombre immense de son cou ondulant dans l’eau. Plus loin, des lions paressent sur une île, visibles seulement depuis la rivière. Chaque rencontre, aussi fugace soit-elle, prend une dimension rare, presque cérémonielle.
Le rythme est imposé par l’environnement. Il faut parfois s’arrêter, attendre qu’un éléphant termine sa traversée, ou qu’un crocodile s’éloigne. Il ne s’agit pas de “faire” un itinéraire, mais de vivre un cheminement. On apprend à renoncer à la vitesse, à l’efficacité, pour mieux accueillir l’inattendu. C’est le contraire du tourisme pressé. Le Delta vous oblige à ralentir, à écouter, à vous fondre dans le paysage. Et c’est précisément cette lenteur qui rend le voyage inoubliable.

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Un décor en constante mutation
Le Delta de l’Okavango ne se donne jamais tout à fait. Chaque mois, chaque saison, chaque journée le transforme. Les lumières elles-mêmes évoluent, sculptant les roseaux, enflammant les reflets, estompant les reliefs au crépuscule. Le matin, une brume légère flotte sur les lagunes, ajoutant à l’impression d’irréel. Le soir, quand le soleil décline, les couleurs deviennent plus denses, plus dorées. C’est un théâtre naturel permanent, où la scène change sans cesse, mais où le silence reste le maître de cérémonie.
Il faut aussi parler du ciel : immense, souvent sans nuage, traversé de vols migratoires, constellé d’étoiles une fois la nuit tombée. Car ici, les nuits sont à vivre aussi pleinement que les journées. Depuis votre camp ou depuis la barque, loin de toute pollution lumineuse, vous contemplez le ciel austral, limpide et infini. Le Delta offre non seulement une immersion aquatique, mais aussi un spectacle céleste d’une intensité rare.
Et pourtant, malgré cette beauté brute, le sentiment dominant reste celui de l’humilité. Le voyageur n’est qu’un hôte temporaire dans ce sanctuaire. La nature y règne sans partage. Et cela transforme profondément notre rapport au voyage. Ce n’est pas un “lieu à visiter”, mais un monde à effleurer du bout des doigts. Et pour ceux qui voudraient prolonger cette parenthèse africaine, pourquoi ne pas coupler cette navigation douce avec la puissance des Victoria Falls ? À quelques heures de vol à peine, elles offrent un final spectaculaire à une aventure tout en contrastes.

Comment s’y rendre
Le Delta est isolé, et c’est précisément ce qui fait son charme. Mais rejoindre cette oasis demande un peu d’organisation :
• Accès principal : Maun, la “capitale” du tourisme dans le nord du Botswana, sert de point d’entrée.
• Vols depuis la France : via Johannesburg, Addis-Abeba ou Doha. Lufthansa propose des vols Paris-Maun à partir de 1 031 € (juin 2025).
• Depuis Maun :
En avion léger (vols réguliers vers les camps, 30 à 60 min selon la destination).
En 4x4 ou bateau si vous êtes dans une zone accessible par la route ou la rivière.

Où dormir dans le Delta
Selon l’expérience recherchée, vous trouverez dans le Delta un éventail d’hébergements, du camp simple à l’écolodge de luxe. Tous privilégient une immersion totale et respectueuse de l’environnement.
• Camp Okavango
En plein cœur du delta, accessible uniquement en avion.
Excursions quotidiennes en mokoro et à pied.
À partir de 690 $ par nuit/personne.
• Delta Camp
Plus rustique, très apprécié pour l’ambiance conviviale et la proximité avec la faune.
Séjours en pension complète, excursions incluses.
Entre 530 $ et 775 $ par nuit selon la saison.
• Xigera Safari Lodge
Adresse exclusive pour un séjour haut de gamme.
12 suites décorées par des artistes locaux, énergies renouvelables.
Tarifs sur demande.

Conseil : réservez 6 à 9 mois à l’avance, surtout entre mai et septembre, quand les crues atteignent leur apogée.

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Activités et expériences
Le Delta est une destination multisensorielle où chaque activité devient une aventure en soi :
• Mokoro (pirogue) : la plus silencieuse, la plus respectueuse, idéale pour les canaux étroits.
• Safaris en bateau à moteur : permettent de couvrir de plus grandes distances et d’observer la faune dans des lagunes reculées.
• Pêche : dans les zones autorisées, notamment pour le tiger fish ou le tilapia.
• Balades à pied : accompagnées de guides expérimentés, elles offrent une autre perspective du delta.
• Vols panoramiques : en hélicoptère ou avion léger, pour admirer la géographie fractale du delta vue du ciel.

Conseils pratiques
• Santé :
Le Delta est une zone de paludisme. Traitement préventif essentiel (consultez un médecin 6 semaines avant).
Vaccins à jour (fièvre jaune, hépatite A/B, typhoïde recommandés).
• Équipement :
Vêtements couvrants, légers, couleurs neutres.
Protection solaire (chapeau, lunettes, crème indice élevé).
Jumelles, appareil photo, sac étanche, gourde filtrante.
• Écoresponsabilité :
Suivez toujours les consignes des guides.
Zéro plastique, pas de prélèvements, pas d’interaction directe avec la faune.
Respectez les zones protégées et les usages des communautés locales.

Le Delta : un sanctuaire pour ralentir et ressentir
Le Delta de l’Okavango n’est pas seulement un lieu spectaculaire. C’est un territoire initiatique. Un voyage à part entière, où la nature impose ses règles, et où le navigateur se transforme en hôte discret. C’est une expérience de navigation réinventée, où le bateau n’est plus une machine à aller vite, mais une plateforme flottante d’émerveillement. On y apprend à ralentir, à regarder vraiment, à ressentir plutôt qu’à faire.
Et c’est peut-être cela, le plus grand luxe que puisse offrir ce lieu : un rapport neuf au monde. Une reconnexion à l’essentiel, à l’eau, à la lumière, au vivant. Naviguer sur l’Okavango, c’est embarquer pour un voyage intérieur autant qu’extérieur. Une aventure précieuse, inoubliable, que l’on ne quitte jamais tout à fait.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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