
Pour sa première navigation solo sur son maxi trimaran Banque Populaire VII, en quête de record, Armel Le Cleac'h a largement dépassé le temps de référence de Thomas Coville il y a un an (25h 38’ 36’’): le skipper a traversé la Méditerranée en 18 heures 58 minutes 13 secondes
Après un premier essai dimanche midi, qui s’était soldé par un retour en rade de Marseille en raison d’un vent faible, Armel Le Cléac’h n’a pas attendu longtemps pour repartir à l’assaut de son premier record en solitaire. "Quand je suis arrivé sur zone pour ce premier départ, prévu dimanche en fin de matinée, il y a eu un gros orage, explique le skipper. Il a fallu décaler le départ d’une heure parce que c’était vraiment très violent, avec des rafales jusqu’à 40 nœuds. Derrière, le vent a bien molli, on a donc attendu le retour d’un vent à l’ouest qui a tardé à venir, du coup, j’ai pris la décision de faire demi-tour. D’autant qu’on savait qu’on avait un créneau possible par la suite." A peine revenu au large des îles de Frioul, le Maxi Trimaran Solo Banque Populaire VII s’élançait à 5h 02’ 57’’ ce lundi en direction de Carthage en Tunisie. « Au départ, les routages tablaient sur une traversée en 20 ou 21 heures », précise Armel Le Cleac’h. Dans une brise de nord-ouest d’une vingtaine de nœuds, le marin a été aussi rapide que Thomas Coville jusqu’au lever du jour, mais alors que le skipper de Sodeb’O avait dû s’écarter de la Sardaigne pour rallier la Tunisie, le skipper de la banque de la voile enclenchait un premier empannage pour se rapprocher à moins de six milles des côtes sardes. La configuration météo choisie par Armel Le Cleac’h, grâce à son routeur Marcel Van Triest, l’obligeait à passer d’un système météo à l’autre. « Traditionnellement, le record de la Méditerranée se joue sur un coup de mistral, explique Eric Mas, directeur de l’information météo chez Météo Consult – La Chaîne Météo. Mais il y a toujours le risque que le mistral s’essouffle avant la fin de la traversée. Banque Populaire a donc tablé sur une première dépression au large des côtes françaises et une autre au large de l’Afrique du Nord. » Ce choix plus scabreux s’est révélé payant mais il a nécessité une grande intensité pour enchaîner les empannages afin de se recaler sur la route directe. « J’ai enchaîné deux empannages au lever du jour au large de la Corse, précise Armel Le Cleac’h. Puis il a fallu renvoyer le gennaker car le vent mollissait en quittant la Sardaigne. Et de nouveau deux empannages devant Bizerte. » Cette trajectoire très directe a permis au skipper d’engranger une grosse partie de son avance.
" Il ne faut pas se faire dépasser par la machine."
Puis, quand la nuit est tombée, le maxi trimaran solo Banque Populaire VII a encore accéléré à près de trente nœuds pour piquer sur le cap Blanc. « La météo était bonne, j’avais de bonne sensation à la barre, explique le marin. Donc je me suis dit, quitte à battre le record et mettre la barre assez haute pour qu'il tienne un peu. » Le skipper de Banque Populaire sait que Francis Joyon, sur le trimaran IDEC, est en embuscade. Il a donc barré la moitié du temps pour pousser son bateau à son maximum. « J’ai eu un peu de stress à la fin car la mer était mauvaise sur les derniers milles, avec des rafales à plus de trente nœuds, se souvient-il. J’étais surtoilé donc j’ai décidé de réduire la voilure, d’autant qu’il y avait pas mal de trafic. Il ne faut pas se faire dépasser par la machine. » Le marin a aussi dû puiser dans ses ressources pour trouver l’énergie nécessaire à ce dernier effort, alors qu’il était sur l’eau depuis dimanche à l’aube. "C’est une bonne expérience pour la suite de savoir que dans les moments un peu chauds, le bateau se comporte bien", a précisé Armel Le Cleac'h.
Au final, dans une brise de secteur ouest, le grand trimaran pointait à plus de 32 nœuds sur les derniers milles pour couper la ligne d’arrivée à 00 h01’ 10’’ ce mardi. Armel Le Cleac'h a filé à 23,80 nœuds de moyenne sur les 458 milles de ce parcours entre Marseille et Carthage, mais à 25,40 nœuds de moyenne sur l’eau.
Le record absolu sur ce parcours (en multicoque et en équipage de 11 hommes), en 14 heures 20 minutes 34 secondes est détenu depuis 2010 par le maxi trimaran Banque Populaire V, skippé par Pascal Bidégorry. Il avait filé à 32 noeuds de moyenne, soit 59 km/h.