
Du rêve d'enfant à la vocation
Né à Nice, Greg Lecoeur grandit au bord de la Méditerranée et développe très tôt une fascination pour le monde sous-marin. Tuba et masque vissé sur le nez, il explore les fonds marins dès son plus jeune âge, intrigué par la diversité de la faune et des paysages qu’il découvre sous la surface.
Mais c’est une rencontre inattendue qui va marquer un tournant décisif dans sa vie. « Un jour, alors que j’étais en mer sur mon petit bateau, j’ai croisé un banc de globicéphales au large de Nice. Ils sont venus tout près, nageant à mes côtés pendant plusieurs minutes. C’était un moment suspendu, une connexion incroyable avec ces animaux majestueux. » De retour à terre, il raconte son aventure à son entourage, mais son récit suscite peu d’écho. « Peu de gens connaissaient cette espèce, encore moins en Méditerranée. J’ai alors compris qu’il fallait témoigner de ces rencontres pour sensibiliser les gens à la richesse insoupçonnée de notre mer. » C’est ainsi qu’il achète son premier appareil photo et commence à capturer les merveilles sous-marines. « Dès le départ, mon objectif n’était pas seulement de faire de belles images, mais de raconter une histoire, d’éveiller la curiosité et la conscience du public. »

Changer de vie pour suivre sa passion
À l’époque, Greg Lecoeur est chef d’entreprise. Sa carrière est tracée, mais l’appel de l’océan devient trop fort. « Je voulais passer plus de temps dans la nature, explorer le monde et vivre pleinement ma passion pour la photographie sous-marine. » Il prend alors une décision radicale : tout quitter pour faire un tour du monde d’un an, appareil photo en main. « J’étais aussi moniteur de plongée, ce qui m’a permis de travailler dans différents endroits et d’explorer les mers et océans de manière immersive. » À son retour, il possède un portfolio impressionnant. Il commence à publier ses images dans la presse spécialisée en plongée, puis élargit rapidement son audience. « En 2016, j’ai été élu photographe nature de l’année par National Geographic. Ce prix a marqué un tournant : il m’a permis de légitimer mon travail et de me consacrer entièrement à la photographie et à la sensibilisation environnementale. » Depuis, il ne cesse d’enchaîner les expéditions, à la recherche de clichés inédits et de récits fascinants sur la vie sous-marine.

Photographier l'océan : un art et une science
Trois éléments sont essentiels pour réussir une image marquante :
L’émotion : « Une photo doit capter un instant unique, transmettre une sensation, un émerveillement. Une image techniquement parfaite mais vide d’émotion n’aura pas d’impact. »
La connaissance des espèces : « Comprendre le comportement des animaux permet d’anticiper leurs mouvements et d’être au bon endroit au bon moment. »
La maîtrise de l’environnement : « La lumière, les courants, la clarté de l’eau... Tous ces paramètres influencent le rendu final. » Pour Greg Lecoeur, chaque plongée est un nouveau défi. « Même si on plonge tous les jours au même endroit, on ne verra jamais la même scène. L’océan est imprévisible et c’est ce qui rend ce métier si passionnant. »

Des rencontres inoubliables sous l’eau
Explorer les océans, c’est aussi s’exposer à l’inattendu. Greg Lecoeur a vécu des moments aussi extraordinaires qu’intimidants. « Une fois, au Mexique, nous plongions avec des otaries dans une grotte. Les jeunes jouaient avec nous, c’était un moment magique. Puis soudain, ils ont disparu. Un mâle dominant a surgi, nous rappelant que nous étions sur son territoire. Nous avons quitté les lieux en douceur, sans brusquerie. »
Autre rencontre marquante : un face-à-face avec un léopard de mer en Antarctique. « Ces prédateurs ont la réputation d’être redoutables. Pourtant, l’un d’eux s’est approché avec une curiosité presque bienveillante. Il nous observait, jouait avec notre matériel. C’était un moment unique, qui allait à l’encontre de tous les clichés sur cette espèce. »
Et les crocodiles ? « Beaucoup les imaginent comme des machines à tuer, mais le crocodile américain, par exemple, est plus craintif qu’on ne le pense. Il faut comprendre leur comportement pour interagir en toute sécurité. »

L’engagement pour la Méditerranée
Après avoir exploré les mers du globe, Greg Lecoeur revient à ses racines : la Méditerranée. « Elle est souvent perçue comme une mer polluée, dégradée, mais elle abrite une biodiversité exceptionnelle. » Pour la défendre, il crée l’association We Are Méditerranée. « Nous avons revisité le sanctuaire Pélagos, une aire marine protégée entre la France, l’Italie et Monaco, qui abrite une incroyable diversité d’espèces : cachalots, dauphins, requins, tortues... Mais peu de gens en ont conscience. » Son combat ? Faire aimer pour mieux protéger. « Montrer la beauté des océans est plus puissant que d’insister sur leur destruction. On protège ce que l’on aime. »
En savoir plus et soutenir l’association : www.wearemediterranee.com

L’avenir en images
Greg Lecoeur multiplie les projets de sensibilisation : expositions, conférences, interventions scolaires. « Les jeunes générations ont un rôle clé à jouer. Si elles comprennent dès maintenant l’importance des océans, elles auront envie de les préserver. » Malgré les menaces, il reste émerveillé par la mer. « Chaque plongée est une découverte. Tant qu’il y aura des histoires à raconter sous l’eau, je continuerai à les capturer. »
Greg Lecoeur a regroupé ses clichés dans un très bel ouvrage intitulé « Méditerranée : Sanctuaire Pelagos », préfacé par S.A.S. Prince Albert II de Monaco, pour documenter la richesse de ses mammifères marins et de toute sa biodiversité. Son travail, mêlant science et émotion, met en lumière la vie foisonnante de cette mer, des cétacés du large aux créatures discrètes des herbiers de posidonie et des tombants coralligènes. Il témoigne aussi des menaces qui pèsent sur cet écosystème, entre pollution, trafic maritime et changement climatique. Méditerranée est à la fois une ode à la biodiversité et un appel urgent à sa préservation.

Retrouvez cette interview exclusive et bien d'autres encore dans notre hors-série Collection 2025 à lire et relire tout l'été.