
Depuis 1992, année de la première édition de la Transat AG2R La Mondiale, seul Armel Le Cleac’h est parvenu à s’imposer deux fois à Saint-Barth. D’abord en 2004 avec Nicolas Troussel, puis en 2010 avec Fabien Delahaye. Mais pourquoi donc est-ce si compliqué d’inscrire à plusieurs reprises son nom tout en haut de l’affiche sur cette épreuve ?
Tous les concurrents de l'édition 2014 sont unanimes : « C’est dur de s'imposer deux fois parce que c’est dur de gagner une course du circuit Figaro Bénéteau, tout simplement ». Imparable. Pourtant, la Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire, ils sont plusieurs à l’avoir remportée deux fois et même quelques-uns à l’avoir gagnée trois fois. Pour Michel Desjoyeaux, le problème ne se pose pas. En tous cas, pas en ces termes. « Au loto, ce sont des tirages indépendants. Là, ça n’a rien à voir. Ce n’est parce que tu en as gagné une que tu ne pourras pas en gagner une deuxième » lâche t-il. « Ces dernières années, il y a une évolution manifeste dans les technologies accessibles depuis le bateau. Au début, nous avions un fax météo qui marchait quand il avait le temps. Du coup, au milieu de l’Atlantique, on jouait un peu à la roulette russe pour les options. Aujourd’hui, on a accès à des prévisions à long terme. On a donc des visions beaucoup plus fiables, ce qui limite les coups de poker et laisse un peu moins de place à l’impondérable. Après, c’est vrai que cela n’empêche pas de se gaufrer sur une stratégie de temps en temps. » A ce sujet, les exemples ne manquent pas. On a tous en tête quelques « gamelles » de certains ténors de la série comme Erwan Tarbarly et Vincent Biarnès, 19e en 2008, ou encore Yann Eliès et Jérémie Beyou, 19e eux aussi en 2010. « Il y a toujours une petite part de chance et une autre de risque dans ce genre de course. On peut très bien heurter une baleine au bout d’une semaine de mer ou prendre une option qui s’avère catastrophique » analyse Jeanne Grégoire, rappelant très justement qu’une transatlantique est tout sauf un exercice anodin et que sur la durée, la météo peut jouer des tours pendables.
Jouer le gagne-petit
« Les bateaux de tête peuvent buter dans un système météo et les autres arrivant par derrière, peuvent alors le contourner et de se retrouver en tête. Cela peut arriver, il ne faut pas minimiser ce genre de possibilité et sur près de trois semaines de course, il est difficile d'être toujours du bon côté. Il faut donc rester ouvert et modeste par rapport à la performance » détaille Gérald Veniard. De son côté, le skipper de Scutum est l’un des marins à pouvoir se vanter de s’être toujours montré régulier sur l’épreuve. La preuve : en trois participations avec Jeanne Grégoire, il affiche trois podiums. Reste qu’il n’a encore jamais gagné. « Il est très difficile de remporter des courses qui durent longtemps car il ne suffit pas d’aller plus vite que les autres tout le temps pour gagner. Il faut aussi aller le plus souvent possible du bon côté. Sur 20 ou 25 jours, ce n’est pas si simple » a-t-il ajouté. Il y a quelques années, Jean Le Cam, connu pour son sens de la formule qui fait mouche, avait résumé cela en une phrase : « Une transat est une course d’endurance où il faut, certes, faire moins d’erreurs que les autres, mais aussi et surtout ne pas s’attacher aux petites boulettes pour rester concentré sur l’essentiel. » Alors peut-être est-ce là le secret d’Armel Le Cleac’h. Pour Jeanne Grégoire, c’est tranché, c’est parce qu’ « il est très fort sur les coups de gagne-petit et que la jauge de la prise de risque est une chose qu’il maîtrise à la perfection. » Cette fois, on a la réponse.