
Nous vous présentions début août des ferries du bout du monde en Patagonie. Retour sur ces navires hors-norme avec un accident spectaculaire: dans la nuit du 17 au 18 août, le navire Amadeo 1 de la compagnie Navimag a heurté une roche et s'est échoué.
Ils sont six, sur le trajet de 820 milles qui sépare Puerto natales de Puerto Montt. Six passages extrêmement étroits, parcourus de courants violents et de vents imprévisibles par lesquels les car-ferries doivent se glisser pour mener à bien leur mission de « continuité territoriale » et désenclaver les régions les plus au sud du pays, qu'aucune route nationale ne relie. Au Chili, on les appelle les angosturas, ce qui en espagnol signifie « étroites » et se prononce presque comme le mot « angoisse ». Et Dieu sait que les marins les craignent, ces canaux. « À chaque trajet, chaque semaine, nous les franchissons les uns après les autres, sans jamais les considérer à la légère. Ils sont nos phares, nos étapes, nos rendez-vous incontournables sur les routes du sud » expliquait il y a peu l'un des capitaines de la compagnie.
Le passage Kirke, le pire de tous
Parmi ces passages, le Paso Kirke est considéré par les navigateurs et les pilotes chiliens comme l'un des plus délicats. Du fait de son étroitesse – il mesure par endroits moins de quarante mètres de large – et des courants pouvant atteindre quatorze nœuds qui le parcourent par moments, il est utilisé comme exercice de pilotage sur simulateur pour les examens des officiers de la marine marchande chilienne.
C'est précisément là que, dans la nuit du 17 au 18 août, le ferry Amadéo 1 (lancé en 1976, 132,5 m de long par 19 m de large) a heurté une roche et s'est couché sur le flanc. Le car-ferry peut accueillir jusqu'à cinquante-deux passagers mais en cette fin d'hiver austral il ne transportait que 17 personnes. Elles ont pu être évacuées dans le calme, sans dommage, par l'équipage dont une partie est restée à bord pour évaluer les dégâts et tenter de limiter les voies d'eau ainsi que les pollutions.
L'éviter ? Impossible !
Aussitôt des navires d'assistance ont été dépêchés sur les lieux pour circonscrire les pollutions, signaler l'épave et recueillir les éléments nécessaires à l'enquête destinée à déterminer les causes de l'accident. La compagnie Navimag parcourt cette route chaque semaine et effectue des liaisons entre le nord et le sud de la Patagonie chilienne depuis plus de trente ans. Par-delà l'éventuelle erreur humaine, la question se pose sur le choix de ce trajet, connu pour sa difficulté. « Le Paso Kirke est impossible à éviter, il demeure le seul accès maritime à la ville de Puerto Natales » explique le commandant Hernan Espana, chef pilote, dans un article publié par le quotidien chilien Prensa Australe. Un autre navire de la compagnie, l'Evangelistas a déjà remplacé l'Amadeo 1, sur ce même trajet, afin que le service ne soit pas interrompu.