
Un hommage sera rendu mardi matin à Yves Carcelle aux Voiles de Saint-Tropez, manifestation à laquelle l’ex patron de Louis Vuitton aimait participer.
Armateur de deux voiliers classiques, Runa IV et Runa VI, Yves Carcelle était un amoureux de la mer. Un hommage lui sera rendu mardi matin à Saint-Tropez. Pour saluer son propriétaire disparu, Runa VI sera paré d’un grand pavois et quittera le premier le port mardi à 9 h 30, premier jour des régates pour les voiliers de tradition. Un coup de canon sera tiré depuis la tour de la Capitainerie avant que le bateau ne sorte lentement de la darse. Tous les bateaux sonneront un coup de corne de brume au passage de Runa VI pour s’associer à ce bref hommage. « Yves aimait la mer et passait une grande partie de son maigre temps libre sur l’eau. Il aimait aussi Saint-Tropez et ne ratait jamais Les Voiles. La société qu’il dirigeait a été pendant des années un partenaire majeur de la Nioularge, rappelle Bruno Troublé. L’amour des bateaux classiques est souvent un voyage personnel, mais pas rationnel. Yves s’était pris de passion voici presque dix ans pour un architecte danois, illustre inconnu et dessinateur pour son usage personnel de très jolis petits bateaux au début du XXe siècle, les Runa ». Outre sa passion pour la voile classique, Yves Carcelle a beaucoup œuvré pour la voile moderne et notamment l’America’s Cup à travers la Louis Vuitton Cup.
La saga des Runa, une histoire de copains
L’histoire commence en 2011, quand Gregory Ryan, un ami sculpteur d’Yves Carcelle, propriétaire de Runa VII, retrouve Runa IV en Californie. Malheureusement, il n’a pas les moyens de l’acquérir. Séduit par le bateau, Yves Carcelle décide alors de l’acheter et de le ramener en France. « Un mois après, il m’a contacté car il avait l’intuition que derrière l’histoire des sept Runa se cachait quelque chose d’étonnant, se rappelle l’historien du yachting Jacques Taglang, auteur du livre La saga des Runa qui sortira au moment du Nautic de Paris. Je suis allé au Danemark, au Portugal et aux États-Unis pour essayer de reconstituer l’histoire des Runa ». Au cours de ses recherches, Jacques Taglang retrouve le petit-fils de Gerhard Ronne, l’architecte des Runa, malgré son changement de patronyme. « Il m’a donné beaucoup de documents et de photos que l’on retrouve dans le livre », poursuit-il. Contacté par Éric Lapasset, ancien propriétaire de Runa VI qui vit à Bandol, Yves Carcelle décide un an plus tard d’acquérir Runa VI et de le faire restaurer. La saga continue. « Son rêve était de retrouver tous les Runa. Aujourd’hui, seul manque à l’appel Runa V, qu’il envisageait de reconstruire à partir des plans d’origine du bateau. Pour Yves Carcelle, au-delà du plaisir d’avoir sauvé un bateau témoin du patrimoine de la voile, les Runa étaient avant tout une histoire de copains.
Un homme respectueux et passionné
C’est au Chantier du Guip à Brest qu’Yves Carcelle avait confié successivement la restauration de Runa IV et de Runa VI. Afin de lui rendre hommage, Yann Mauffret, son cousin Louis Mauffret et Yann Lemest navigueront demain à bord de Runa VI. Bruno Toublé sera à la barre du bateau. « C’est une belle manière de rendre hommage à l’homme mais également à son engagement dans la voile et à son amour des voiliers classiques. Yves était un homme épris de culture et passionné par le monde de l’artisanat, souligne Yann Mauffret. C’était quelqu’un de simple et abordable malgré son statut, qui savait apprécier les belles choses et faire confiance dans un domaine qu’il ne maîtrisait pas. Chaque fois qu’il a dû faire des choix concernant la restauration de ses bateaux, il a arbitré en faveur du respect de l’histoire et de l’authenticité. C’était quelqu’un de juste qui ne cherchait pas à briller ». Yves Carcelle était tout cela à la fois, un amoureux de la mer et des voiliers classiques, un amateur d’artisanat, mais avant tout un homme simple, qui aimait les gens. « Il aimait les autres, surtout les gens simples avec qui il bavardait des heures, écoutant leurs histoires, racontant la saga des Runa. C’est tellement rare de la part des gens qui dirigent de monde, souligne Bruno Troublé. Sa disparition il y a quelques semaines a généré un concert mondial de louanges sans réserve. C’était un humaniste brillantissime et un bon vivant. Il aimait les autres et les autres le lui rendaient bien. Runa VI est là et participe à cette édition des Voiles comme il le voulait ». Les deux Runa seront exposés en décembre au salon nautique de Paris.