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Certains à la rédaction se souviennent du sauvetage épique d’un précurseur du kite en perdition au large de Penzance au début des années 80. Nous avons tous en mémoire la traversée de l’atlantique de la regrettée Nicole Van de Kerchove sur son Jod 24. Bien sûr nous suivons de près Yves Parlier dont le LibertyKite tente d’essemer le concept de l’Imoca potentiellement démâté au cargo à la recherche d’économies de carburants. Cette aile est d’ailleurs proposée en option sur l’Armor Kite 650, mais sa principale qualité, la stabilité, est un facteur limitant fort en termes de performance. Alors pour vraiment aller vite, une aile de kite classique convient mieux, mais sur laquelle il faut garder une veille quasi-constante. S’il ne s’agit pas d’aller à 80 nœuds comme l’équipe de SP80 l’ambitionne, cela prouve bien qu’aller vite sur l’eau peut passer par la solution kite.
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Au téléphone, Maxime Denoix nous avait prévenus. L’Armor Kite 650 propose une façon vraiment différente de naviguer. Une fois sur le ponton l’évidence se fait plus prégnante : pas de mât, pas de bôme, pas de chandeliers ni de manœuvre apparentes, il va falloir repenser notre cadre de référence. Surtout qu’il n’y a pas non plus de quille, ni même de lest dans les fonds, mais une bonne stabilité de forme grâce à une carène de 2.20m de large. Un dessin qui n’est pas sans nous rappeler nos années en mini, une série dont l’architecte Etienne Bertrand est issu et pour laquelle il a signé une quinzaine de plans.
Le dépouillement apparent du pont est confirmé par le briefing d’avant-départ : seulement deux bouts de réglages et une barre franche, le bateau doit se manier à deux sans problèmes. Déborder le ponton à bout de bras et sortir du port grâce au petit hors-bord est particulièrement aisé à bord de cette coque de seulement 273 kg. Une fois en mer l’ancre flottante est déployée afin de ne pas trop dériver pendant la préparation et l’envoi du kite, signe que la manœuvre peut prendre un peu de temps, ce qui sera bien le cas compte tenu de la faible brise.
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En effet le vent atteint difficilement 7 nœuds, limite théorique minimum pour faire décoller l’aile de l’eau. Pour naviguer en dessous de ces conditions une aile gonflable est d’ailleurs désormais proposée. Nous sortons donc la plus grande voile, celle de 25 m², sachant que cinq tailles existentpour tous les types de vent de 7 à 35 nœuds. L’aile est posée sur le roof, bien pliée dans sa pochette de rangement, les cinq points à connecter (deux lignes avant, deux lignes arrière et la cinquième ligne) clairement repérés et munis de détrompeurs. Toutes les lignes sont reliées au bateau via un chariot Harken transversal. Totalement libre, il part sous le vent au près, limitant ainsi la gîte, même si l’architecte a prévu que celle-ci puisse atteindre 15 degrés.
Une fois connectée au bateau, on peut déplier l’aile et gonfler le bord d’attaque grâce au gonfleur électrique. Ceci fait, les cinq lignes sont déroulées simultanément à l’aide du treuil électrique. Entre régleur et barreur l’entente doit être parfaite, car dans ce bas de range en termes de vent, l’aile a tendance à rester collée à l’eau, et son décollage s’avère délicat voire laborieux. Finalement, le vent monte à 9 nœuds, l’aile prend son envol, l’ancre flottante est rapidement remontée à bord et le bateau accélère immédiatement, brutalement même. La vitesse est tout de suite séduisante. Nous enchainons les bords de travers en allant presque aussi vite que le vent. Extrêmement sensible à la barre franche, un peu courte à notre humble avis, l’Armor Kite l’est également au positionnement de l’équipage. Il manque un cale pied central pour assurer son équilibre à la barre, mais les sensations de glisse sont délicieuses. Bien sûr, nous ne battrons pas le record de 19 nœuds atteints pourtant avec grande prudence par l’équipe, mais filer entre 10 et 12 nœuds alors que le vent réel atteint difficilement 15 nœuds est déjà assez bluffant.
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Si au travers, tout va donc pour le mieux, qu’en est-il au près. Est-ce que l’on peut remonter au vent avec une aile de kite ? Oui ! Aidé par ses dérives asymétriques alternativement immergées, l’angle de remontée au vent est même tout à fait comparable à un quillard, soit 30 degrés d’un bord sur l’autre, avec des vitesses très similaires à un bon Mini de série, soit entre 6 et 7 nœuds dans 10-12 nœuds vent. Mais la vraie surprise on la découvre plein vent arrière, allure que peu de bateaux apprécient. A bord de l’Armor Kite 650 on est à 9 nœuds au GPS par 11 nœuds de vent à 180 degrés ! La puissance développée par l’aile est impressionnante et il faut s’accrocher dans les empannages. Si à un moment, la puissance de traction, au lieu de se transformer en vitesse, met le bateau sur la tranche, il vaut mieux avoir la main sur le bout de largage automatique de la cinquième ligne si on veut retomber du bon côté !
Quelques détails techniques restent à régler avant une diffusion vraiment grand public et l’apprentissage nécessite bien une à deux semaines, mais avec un pilote automatique l’ensemble formerait un day-boat fort agréable, simple, performant, ludique, facilement transportable… L’absence de gîte, de kilomètres de bouts dans le très grand cockpit, la vision à 360 degrés sont d’un confort indéniable. L’Armor Kite est une vraie découverte, offrant des performances très séduisantes.
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Les +
Simplicité
Performances
Sensations nouvelles
Les –
Apprentissage
Envol et affalage fastidieux
Gestion des dérives asymétriques
Fiche technique :
Longueur HT : 6,50m
Longueur à a flottaison : 6,05m
Largeur : 2,20m
Tirant d’eau max : 1 m
Déplacement lège : 273 kg
Surface des voiles : 8 – 13 – 21 - 23 et 25m²
Prix : 30 000 Euros HT sans aile
Aile 8 m² : 1 278,00 € TTC
LibertyKite 20m² : 1 950 Euros TTC
Aile 25 m² : 2 340,00 € TTC
Voile gonflable : 6 126 Euros TTC