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Des skippers prestigieux
40 ans, c’est un âge mûr pour un bateau. Alors que les navires de commerce vivent entre 25 et 40 ans — plus ils sont gros plus leur espérance de vie est courte — les bateaux de course ont des cycles de vie beaucoup plus longs. Leur construction exemplaire, souvent optimisée et modifiée au cours de leurs carrières et leur architecture performante, en font des machines aux multiples vies.
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Construit chez Canadair au Canada en 1983, le célèbre constructeur d’avions, sous le nom de Formule TAG, Energy Observer a connu une lignée prestigieuse de skippers. Le premier vainqueur de la Route du Rhum, Mike Birch, était le pilote de cette machine révolutionnaire à l’époque. Mike a tiré sa révérence durant la dernière Route du Rhum, clin d’œil à un destin marqué par la révolution multicoque, sa victoire historique sur un petit trimaran jaune à la barbe du long monocoque de Michel Malinowski ayant marqué les esprits. Le bateau, signé Nigel Irens, était alors une vitrine de la haute technologie et des composites. Long de 24m, et construit en Kevlar sur mousse Airex et carbone, il pesait moins de 10 tonnes pour plus de 440 m2 de voilure. Véloce, le bateau subira néanmoins une mise au point longue ponctuée de démâtages et autres incendies, mais surtout de belles performances comme le record de vitesse en 24h, 512,5 milles dès 1984.
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Un record autour du monde
En 1992, Sir Peter Blake décide de l’agrandir à 25,90m pour battre le record de vitesse autour du monde, le célèbre Trophée Jules Verne. En duo avec Robin Knox Johnson, autre légende britannique de la course au large, le navire finira par casser au large de l’Afrique du Sud. Il est alors soutenu par Enza New Zealand, qui décide de le rallonger encore à 28m ! Ainsi regonflé à bloc, le catamaran remporte le Trophée Jules Verne, véritable graal de la vitesse océanique, en 74 jours, 22 heures et 17 minutes (14,68 nœuds de moyenne) lors d’un duel dantesque avec le trimaran d’Olivier de Kersauson en 1994.
Devenu le bateau le plus rapide autour du monde, le grand catamaran est racheté par la britannique Tracy Edwards en 1997, qui tente à nouveau le Trophée Jules Verne avec un équipage féminin mais finira par démâter.
Tony Bullimore, éternel coureur au large de sa majesté, le rachète en 2000 et l’allonge encore à 102 pieds, soit 31 mètres, pour participer à The Race, la course autour du Monde du millénaire, puis à l’Oryx Cup au départ de Doha au Qatar en 2005. Laissé en jachère quelques années, il est finalement repris et profondément modifié par Victorien Erussard et ses équipes à partir de 2015 pour devenir Energy Observer.
Un navire au service de la transition énergétique
Le navire passe de 15 à 35 tonnes, se voit greffer des volumes de coques plus importants et surtout une nacelle centrale moulée dans des formes de trimaran de course. De nombreux architectes participent à cette mutation, parmi lesquels Marc Lombard et Marc Van Peteghem qui soignent aussi son aérodynamisme et ses performances.
L’objectif est désormais non plus la vitesse pure mais l’autonomie énergétique. Après des éoliennes verticales et les essais de plusieurs technologies propulsives, le catamaran retrouve de petites ailes en 2019, de 32 m2 chacune contre les plus de 400 m2 de sa vie antérieure ! Développées par Ayro, elles sont entièrement automatiques et beaucoup plus efficaces, préfigurant les gréements du futur. Comme l’ensemble des systèmes embarqués et développés à bord : Une chaîne hydrogène complète, une production solaire de pointe, des hélices à pas variable et de multiples innovations.
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Un record de longévité
Si les coques d’Energy Observer ont déjà parcouru l’équivalent de plusieurs tours du monde, souvent à très haute vitesse, et fait preuve d’une fiabilité exceptionnelle, tous ces systèmes embarqués peuvent aussi prétendre à des records de longévité. Aucune chaîne hydrogène n’est restée sous haute pression pendant plus de 50 000 heures et 50 000 milles nautiques dans un environnement aussi exigeant.
Le millier de capteurs embarqués, le circuit électrique et de contrôle commande, les batteries 24v et 400v, les moteurs, les déssalinisateurs, ou encore l’électrolyseur (Premier électrolyseur embarqué en 2017 !) ont quasiment tous accroché ces 50 000 heures de fonctionnement depuis leur installation, dans des conditions les plus extrêmes (85° Celsius cette semaine dans les coques…), une performance inédite loin des laboratoires et usines spécialisés.
Avec les 40 ans du navire, les équipes souhaitent donc aussi célébrer tous les partenaires technologiques qui ont participé à cette prouesse de longévité, en repoussant sans cesse les limites de la durabilité et de la fiabilité ! Cela fait plus de 3 années maintenant qu’Energy Observer est loin de ses bases, un autre record pour ces technologies innovantes, qui préfigurent les systèmes énergétiques indispensables à la transition énergétique !
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Les chiffres clés d'Energy Observer 2017-2022
Mise à l'eau : 14 avril 2017 à Saint-Malo
Distance parcourue : + 50 000 milles nautiques
Nombre d’escales : 77
Nombre de pays : + 40
Nombre de visiteurs village : + 350 000