Entre les 40émes rugissants et les 50èmes hurlants

Par Eric Mas

Pourquoi font-elles tant de bruits ces latitudes redoutées ? Les skippers du Vendée Globe se disent tous impatients de quitter la zone alambiquée de l’anticyclone de Sainte-Hélène pour se trouver propulsés dans la tourmente des 40èmes rugissants. Ils semblent plus attirés par cet univers, si puissant qu’ils ne seront parfois que fétus de paille subissant coup de vent, plutôt que par l'univers des hautes pressions qui peut les engluer mollement. Ces marins sont pressés de substituer la virile bagarre dans « le baston » à la subtile stratégie dans la « pétole ».

Comme ayant le vertige, le skipper soudainement atteint d’acrophobie, est attiré, dans la crainte, des sommets vers le vide, des hautes pressions vers les basses. Ce qui l'attire c’est évidemment le vent poussant et puissant pour afficher de superbes moyennes et des pointes grisantes. Il rêve de surfer sur cette houle légendaire haute de 6 mètres, parfois de plus de 10 mètres. Son bateau a été conçu pour cela.

 

Bientôt il sera obnubilé par le vacarme du vent sur les drisses, sur le mat, sur le bateau, sur la mer… Un plaisancier sait ce qu’évoque le bruit du vent qui claque les drisses et siffle le haubanage lorsqu’il qu’il est au port à consulter la météo. Il peut donc imaginer ce que ressent le skipper à l'écoute des 40émes et 50émes de l’hémisphère sud. Mais le vent n'est pas seul à chanter, il y a le bastringue que font les vagues en déferlant partout sur le dos d'une immense houle de provenance lointaine. Tout là-haut, au sommet de cette grande houle qui l’a rattrapé, la vague plus courte, plus modeste se fait décoiffer par le vent et exploser en une infinité d’embruns.. quand ce n’est pas le mur de la houle elle-même qui s’écroule. Il n’y a pas besoin de plages, de galets qui roulent, la mer se suffit à elle-même pour gronder, rugir, hurler.

 

Mais pourquoi ces latitudes sud sont-elles tellement différentes de leurs consœurs de l’hémisphère nord, de celles que nous connaissons bien puisqu'elles bornent nos navigations le long des côtes françaises ? 40ème c'est la latitude des Balèares. 50ème c'est la latitude de la Manche.

 

La première réponse est toujours, parce que, dans le sud, il n’y a pas de continents, pas d’obstacles (à part le Cap Horn) pour entraver la folle course des dépressions autour de la terre. Mais il y a aussi le fait que si l’Arctique est un océan glacé, l’Antarctique est un continent élevé (3000 mètres environ) et sa température, même au printemps, est particulièrement basse. Les masses d'air qui se détachent de l’Antarctique sont beaucoup plus froides que celles qui s’évadent de l’Arctique. Les dépressions qui naissent des conflits air chaud - air froid trouvent là l’occasion de se creuser d’avantage.

 

Ces dépressions à si fort caractère, et qui ont la place de s’exprimer, sont à l’origine l’ampleur exceptionnelle de la houle qui fréquente ces parages. Pour se développer pleinement, la houle a besoin de la force du vent, de sa durable compagnie et d’un long fetch, c’est à dire d’une grande distance sur laquelle le vent peut l’entretenir, la nourrir. Or le vent d’ouest tempétueux se déplace généralement en même temps que la houle qu'il soulève. Il peut l'accompagner pendant plusieurs jours t a le temps e lui communiquer un maximum d'énergie. Et plus elle grossit, cette houle, plus elle va vite… elle peut même prendre de l’avance sur la dépression. Les concurrents sont parfois rattrapés par une houle énorme sans que le vent soit là. En s’échappant de la dépression l’onde garde sa longueur mais perd, jour après jour, de sa hauteur. Selon son âge elle présente une pente plus ou moins forte et les vagues qui déferlent sur ses pentes, se comportent comme en arrivant sur la plage. Pente douce, déferlement glissant. Pente forte, déferlement plongeant. Pente très forte déferlement frontal. A chaque type d’effondrement son ambiance sonore. Je suis sûr que les skippers aux oreilles averties savent les distinguer les yeux fermés. Je suppose aussi qu’ils ne les entendent, ne les écoutent pas, de la même façon le jour et la nuit.

 

Ca rugit dans les 40èmes. Ca hurle dans les 50èmes.

 

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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