L’usine marémotrice de la Rance : une fausse bonne idée ?

La centrale électrique tire son énergie de la marée. Ce n’est pas une idée nouvelle, elle ne fait que reprendre le principe des moulins à marée.
Une idée qui remonte à plus de 94 ans
L’idée de construire une usine marémotrice sur la Rance revient à Gérard Boisnoer en 1921. Avant d’entreprendre cette dernière, plusieurs chantiers furent lancés dans différentes zones comme à l’Aber-Wrac’h en 1925 puis abandonné définitivement en 1930 mais, l’idée ne fut pas pour autant enterrée. En 1943, une étude fut réalisée pour l’implantation sur l’estuaire de la Rance ; en 1961, les travaux préliminaires commençaient et ils s’achevèrent en 1966. En novembre 1966, le général De Gaulle l’inaugura en grande pompe. La phase active avec son raccordement au réseau EDF eut lieu fin 1967.
L’usine en chiffre
Le barrage a une longueur totale de 750 mètres (celui de l’usine 332 m) et crée un bassin d’une superficie de 22 km². L’électricité est produite par 24 groupes de turbines pouvant fonctionner dans les deux sens par le mouvement des marées. Si on en croit les chiffres d’EDF, elle produit 3,5 % de la consommation d’électricité de la Bretagne. Mais les chiffres sont parfois difficiles à interpréter et utilisés de façon à faire apparaitre ce que l’on veut démontrer. 3,5% de la consommation représentent 45% de la production de l’électricité de la Bretagne, quant au coût de production, invérifiable, si on tient compte des différents facteurs (entretien, panne, usure due à l’abrasion, etc.), je préfère ne pas donner ceux avancés par EDF.
L’écosystème en danger
Pour ceux qui fréquentent cette région comme moi et pour l’avoir connue avant le barrage, il est évident que l’écosystème de la Rance a changé, s’est modifié et que l’envasement devient de plus en plus préoccupent. Le lançon, les plies et autres poissons plats ont disparu. L’une des raisons, ils ne peuvent pas passer par les hélices des turbines. Par contre, des variétés rapides comme le bar, la dorade ou encore le lieu et la raie ont fait leur apparition. Bien sûr, les poissons lents peuvent passer par l’écluse mais je ne pense pas qu’on les informe de l’heure des sas.
L’envasement de la Rance
Avant le barrage, la hauteur d’eau sur l’estuaire de la Rance suivait le rythme naturel des marées. Avec une dénivellation qui pouvait atteindre presque 14 m avec une étale de pleine mer qui ne durait que quelques minutes et une de basse mer inexistante. Avec le barrage, la différence entre le niveau haut et bas est considérablement réduite. Il est rarement supérieur à 6 m avec des étales qui durent environ une heure. On estime que le barrage de la Rance perd environ 1% de sa capacité par an (envasement) et que la majorité des plages de sable sont transformées en vasière. La navigation entre l’écluse du Chatelier et Plouër devient préoccupante. Il n’y a pas un jour où un bateau n’échoue sur la vase et ce d’autant plus que le balisage dans certaines zones (Mordreuc-Plouër) est quelque peu fantaisiste. Que faire ? Il existe une association (Rance Environnement) qui œuvre pour qu’il soit mis en place une solution qui permettrait d’extraire d’une façon efficace la vase. Toujours est-il que le piège à vase mis en place en 2001 au Lyvet ne semble pas très efficace ou pour être plus exact pas utilisé comme il le devrait. Il a été partiellement vidé en 2015, la vase (65.000 m3) a été entreposée dans une lagune qui, après son dessalement naturel (3 ans), pourra être répandue dans les champs. Mais ce piège (sans doute tabou comme dirait Dutronc) est insuffisant et, en tant que plaisancier, je n’ai pas vu de résultats réels après le pompage. Il faudrait enlever plus de vase et surtout le faire tous les ans. Dans le bulletin de mars 2015 de Rance Environnement (rance-environnement@orange.fr) Henri Thébault rapporteur de la Commission Estuaire Rance a donné 7 exemples de vérités et contre-vérités sur la sédimentation et l’envasement un texte clair qui répond à beaucoup d’interrogations. Dans mon prochain blog, je reviendrai sur l’envasement, ce qui devrait être fait et en particulier sur l’écosystème changé par le phénomène des marées.