
Deux semaines exactement que les duos de la 12e Transat AG2R – La Mondiale se sont élancés de Concarneau. Et si les sept premiers jours n’avaient pas manqué de piment et de rebondissements, le moins que l’on puisse dire, c’est que les sept derniers non plus. Rétrospective.
Sur le parcours de 3 890 milles de l’AG2R La Mondiale, entre la Bretagne et les Antilles, il n’y a qu’une seule marque à respecter : un way-point situé à neuf milles au nord de La Palma, aux Canaries. Dimanche dernier, à 14h35, c’est le duo de Gedimat, composé de Thierry Chabagny et d’Erwan Tabarly, qui franchit en premier cette bouée virtuelle. Derrière lui, en l’espace de deux heures et demie, neuf bateaux ont également dépassé la marque. Tous mettent ensuite le clignotant à droite pour attaquer la phase deux du parcours : la traversée de l'Atlantique proprement dite. Dès lors, dans les dévents de la pointe, des décisions stratégiques diamétralement opposées se dessinent, l'absence d'alizés étant la cause de ces divergences. La flotte se divise ainsi en deux groupes à la recherche d'Eole : au nord, Bretagne-Crédit Mutuel Performance, avec les plus modérés Made in Midi, Interface Concept et Gedimat, (qui semblent avoir hésité avant de se lancer dans cette voie septentrionale) et au sud Skipper Macif, accompagné par 30 Corsaires et le reste de la flotte, plus étalée en longitude. « Il y a autant d'avis que de bateaux quant au dénouement stratégique de l'affaire. C'est la glorieuse incertitude du sport » résume alors Roland Jourdain.
Short ou ciré
Au départ, l’avantage est aux nordistes qui avancent entre deux et quatre fois plus vite que leurs adversaires méridionaux, piégés dans une zone sans vent au large des côtes mauritaniennes. Leurs speedomètres sont bloqués à 1,5 nœud et les trajectoires des bateaux commencent à partir dans tous les sens. Les spis en berne, ils attendent le retour du flux de nord qui leur permettra de poursuivre leur quête vers les alizés. Leur souhait est exaucé dès le lendemain. Dans le même temps, 500 milles plus au nord, les nouveaux leaders du classement, Corentin Horeau et Michel Desjoyeaux (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) et leurs quatre acolytes tirent des bords dans un vent mou et capricieux. Mais voilà, alors qu’ils évoluent au près depuis quatre jours, certains d’entres eux commencent à douter. A six nœuds de moyenne, ils voient leurs adversaires avancer cinq nœuds plus vite. Ils n’ont cependant pas d’autre choix que de faire marcher leurs Figaro Bénéteau, tout en gardant espoir.
Tous sous spi, enfin !
A la mi-parcours, les hommes du sud comblent leur retard de plus en plus vite par rapport aux nordistes. Emmenés par Skipper Macif de Fabien Delahaye et Yoann Richomme, ils sont catapultés par les alizés et font « la cuillère » par le sud, dans un long bord tribord en arc de cercle, passant à moins de 100 milles au nord de l’archipel du Cap Vert. Pour eux, l’essentiel, consiste alors à ne surtout pas déchirer les spis, l’arme fatale du portant. Dans le même temps, au nord (le 19 avril, à 23 heures), Gedimat démâte alors qu’il progresse au reaching, dans 15-18 nœuds de vent. Le coup est dur pour Thierry Chabagny et Erwan Tabarly qui font désormais route au moteur vers Madère après avoir été ravitaillés en gasoil par le bateau média Etoile. C’est d’autant plus rageant qu’ils avaient fait le plus dur. « On commençait à tirer la barre et aller vers du vent de plus en plus adonnant. On s’apprêtait à envoyer le spi » explique Chabagny peu après l’incident. Pour les autres partisans de la route nord, même si on est triste de perdre un camarade de jeu, on ne boude pas son plaisir de choquer – enfin ! - les écoutes après cinq jours passés à tirer des bords avec le vent dans le nez. Sauf que voilà, les alizés puissants se font attendre alors que dans le sud, ça cavale pleine balle dans 25 à 30 nœuds de vent. Et même si les conditions sont sportives et imposent de la vigilance à la barre, elles permettent d’engranger des milles à vitesse grand V. D’ailleurs, ce dimanche, on ne devrait pas tarder à voir Safran-Guy Cotten de Gwénolé Gahinet et Paul Meilhat s’emparer de la première place au classement. Mais les concurrents n’oublient pas qu’il reste encore 1 700 milles à parcourir, soit encore une semaine de mer. La course d’endurance est lancée !