
Lisa Blair est revenue ce matin, mercredi 25 mai, à son port de départ, Albany dans le Sud de l’Australie, battant de 10 jours le précédent record. À l’exploit sportif, elle associe la recherche scientifique, prélevant tous les jours des échantillons d’eau de mer pour étudier la présence de microplastiques en relation avec l’Australian Institute of Marine Science. Connu sous le nom de « Tour du monde glacé », les conditions les plus extrêmes, que seul le grand Sud peut offrir, ont pourtant été le lot quotidien de la skipper tout au long des 16 515 milles nautiques parcourus. L’Australienne en avait déjà fait l’amère expérience en 2017 lors de sa première tentative. Démâtant violemment, loin au large (1000 milles) de l’Afrique du Sud, elle rejoint Cape Town sous gréement de fortune. N’écoutant que son courage, elle reprend la route une fois son voilier réparé et revient à son point de départ 183 jours plus tard.

Une passion tardive mais dévorante
Mais la trentenaire, elle est née en 1983, venue à la voile sur le tard à l’âge de 22 ans, est du genre persévérante. Il faut dire que l’ancienne étudiante en Arts de la Southern Cross University sur la Gold Coast Australienne, à 200 km au Sud de Brisbane, a pour références : Sir Robin Knox Johnston, Jesse Martin ou encore Dee Caffari. Soit dans l’ordre, le premier, puis le plus jeune, à avoir réalisé le tour du monde en solitaire et sans escale, et la première femme à l’avoir réalisé à l’envers, d’Est en Ouest contre les vents et courants dominants. Mais l’ambitieuse jeune femme ne se contente pas de littérature et n’hésite pas à se confronter aux dures réalités de ce sport, en s’engageant dans la Clipper Round the World Race 2011/2012. Elle réalise donc un premier tour du monde en équipage sur cette course pour amateurs éclairés, créée par son mentor Robin Knox Johnston. Lisa a ensuite travaillé pour la célèbre équipe Imoca "Hugo Boss" d'Alex Thomson, passé ses brevets de skipper et écumé les eaux de Sydney Harbour sur les anciens voiliers australiens de la Coupe de l’America tel le 12MJI Kookaburra de 1987.

Un livre pour conjurer le passé
Après sa première tentative homérique mais qui aurait pu lui être fatale, Lisa Blair enchaîne sans délai et en solitaire par un tour de l’Australie en 58 jours. Elle participe ensuite avec un équipage 100% féminin à la mythique Sydney Hobart Avec Jackie Parry, elles forment le premier duo féminin à finir la course en double entre Melbourne Hobart. Enfin, pour garder et partager une trace de son parcours peu commun, elle rédige un livre paru en novembre 2020 : Facing Fear (disponible en anglais uniquement). Mais après plus de 80 000 milles parcourus, l’Australienne n’est pas rassasiée et elle a même une histoire à finir avec l’Antarctique. Aussi, dès 2021 commence-t-elle à se préparer à une nouvelle navigation en solitaire à bord de l’indestructible « Action Climate Now ». Sur les plans de son compatriote Robert Hick, il a été construit en 2003 et finira cette même année sur le podium (3ème) de la Melbourne to Osaka Yacht Race. Solidement construit en sandwich verre-balsa-polyester, c’est le bateau « sûr et marin pouvant aller n'importe où et faire n'importe quoi » qu’il fallait à Lisa pour ses aventures.

La deuxième tentative sera la bonne
Elle a donc quitté une nouvelle fois Albany le 21 février dernier, plongeant plein Sud pour rejoindre le 45ème parallèle. C’est entre cette latitude et les soixante degrés Sud qu’il lui fallait naviguer pour que son record soit homologué. Laisser l’Antarctique à tribord et les trois caps de légende, Leeuwin, Cap Horn et Cap de Bonne Espérance à bâbord, sont les seules marques de parcours à respecter avant qu’elle ne recroise sa route et puisse remonter vers son port de départ. Mais que d’épreuves elle aura dû surpasser pour en arriver là, entre températures glaciales descendant jusqu’à 5 degrés malgré l’été indien, vents violents atteignant parfois cinquante nœuds amenant le bateau jusqu’à se coucher sur l’eau. Le gréement a finalement tenu, mais Lisa est restée attentive jusqu’au bout ? Sa bôme notamment n’est pas ressortie indemne des nombreux Knock-down subis, elle présente quelques fissures. Franchir le Cap Horn le 06 avril a été une étape forcément importance de ce voyage. Mais dépasser le 25 avril la longitude à laquelle elle avait démâté en 2017 a été un encore plus grand soulagement pour la navigatrice. Ce d’autant plus que quelques jours auparavant, dans 45 nœuds de vent, elle avait dû réparer son pilote automatique principal. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule elle possédait alors une semaine d’avance sur le temps du record. Si voir son bateau surfer à plus de 28 nœuds reste un merveilleux souvenir, l’amoureuse de la nature, dont la défense est son combat retient avant tout la majesté des oiseaux du Sud, les bancs de dauphins dans le Pacifique et les étoiles magnifiques dans le noir absolu.