
Ils étaient seize duos à s’élancer de Lorient à l’automne 1992 pour rallier les Caraïbes avec au milieu une escale de 96 heures obligatoires aux Canaries (Las Palmas). Ne venant pas modifier l’avantage de courir en monotype où le premier arrivé à destination est bien le vainqueur final, l’idée de ce « pit-stop » est également d’assurer une pause aux marins pour cette première transat en Figaro qui part un peu dans l’inconnue. La sécurité a d’ailleurs également guidé le choix du format du double ce qui sauvera la vie de Bruno Jourdren, tombé à l’eau et repêché par son co-skipper Jacques Caraës en 1996. De même les Figaro Bénéteau du siècle dernier n’étant pas homologués pour une transatlantique, des réserves de flottabilité ont été ajoutées, prenant sur chaque bateau, 3.5m3 d’un volume déjà spartiate. 200 000 francs à l’époque, soit environ 30 000 euros actuels ou plutôt 48 000 euros si l’on tient compte de l’inflation, le budget additionnel à leur saison habituelle est très raisonnable, alors la plupart des cadors de la classe répondent présents. Premier à l’arrivée avec son compère Jacques Caraës, Michel Desjoyeaux confirme sa grande forme du moment, lui qui vient de remporter à l’été 92, la première de ses trois victoires dans la Solitaire du Figaro. Pourtant, derrière eux, on compte peu d’inconnus et beaucoup de talents avec, entre autres, Jean Le Cam, Roland Jourdain, Marc Thiercelin, Dominic Vittet ou encore Loïc Blanken. C’est d’ailleurs ce dernier, associé à Frédéric Leclère qui était arrivé le premier à Madère, mais seulement 38 secondes devant celui qu’on ne surnommait pas encore « Le Professeur ». De l’autre côté de l’Atlantique, l’ordre des arrivées est inversé, mais après un peu plus de 4000 milles nautiques parcourus, l’écart est toujours très faible : 31 minutes !

1996, Le Cam-Arthaud premier équipage mixte
Deux ans plus tard, en 1994, ils sont 22 sur la ligne de départ, et 21 à l’arrivée devant le Port de Gustavia. L’écart est encore plus réduit, puisque 63 secondes seulement séparent les vainqueurs Jean Le Cam et Roland Jourdain de leurs dauphins, Bertrand de Broc et Marc Guillemot ! Pas d’équipage mixte dans cette deuxième édition mais un duo 100% féminin composé de deux Christine, Briand et Guillou qui, sur le bateau vainqueur de la première édition terminent treizièmes. En 1996, Jean Le Cam réussit un joli coup, à la fois médiatique et sportif, en invitant à ses côtés, celle qui est à jamais « La petite fiancée de l’Atlantique », Florence Arthaud. Les projecteurs ne se sont jamais éteints sur celle qui a remporté la Route du Rhum 1990, dans la magnifique lumière d’un coucher de soleil Guadeloupéen, sur son trimaran doré Groupe Pierre 1er. Ils finiront seconds car la victoire revient cette année-là au duo formé par Alain Gautier et Jimmy Pahun, et elle est magnifique. Même après être repartis de Madère 4h19 derrière les frères Philippe et Luc Poupon auteurs d’une option mémorable à raser les côtes Portugaises sur la première étape, même pénalisés de 1h20 à l’arrivée, les deux copains d’enfance réussissent à préserver un avantage de 5 minutes sur le Jean Le Cam et Florence Arthaud. Il est intéressant de noter d’ailleurs que les deux premiers bateaux du classement réunissent des skippers venus d’horizons différents. Si Alain Gautier et le roi Jean sont de grands spécialistes du Figaro, Jimmy Pahun est lui un homme dé régate pure (Tour de France à la voile, Admiral’s Cup…) et Florence Arthaud une habituée du grand large, version aventure plus que régate au contact. Mais vu leurs résultats, et c’est peut-être une leçon à retenir pour les futurs concurrents, la complémentarité semble être une sacré qualité sur cette transat. Et que dire de la complémentarité homme/femme quand on voit également la magnifique cinquième place de Michèle Paret et Dominique Wavre. Couple à la ville et sur l’eau, les Suisses réalisent une course vraiment magnifique sur un bateau malicieusement baptisé Cupidon. Le même duo fera encore mieux en 1998 année où ils terminent seconds, même si le nom de leur Figaro est cette fois moins romantique : Carrefour Prévention.

2000, Le bon choix de Karine Fauconnier
Il ne faudra cependant pas attendre longtemps au cours du troisième millénaire pour qu’un équipage mixte atteigne la consécration avec la victoire de Karine Fauconnier et Lionel Lemonchois (Sergio Tacchini – Itineris), qui plus est devant 41 concurrents cette fois. Dans une édition particulièrement dure, car longue avec sa météo peu favorable, ils s’imposent de plus de quatre heures sur tous les gros bras du circuit dont Gildas Morvan-Bertrand de Broc (deuxièmes) et Jérémie Beyou--Pascal Bidegorry qui complètent le podium. Deux ans après une première Transat AG2R en 1998 aux côtés de son père Yvon Fauconnier qu’ils terminent à la huitième place, elle choisit « Le Bon Choix » comme l’ont surnommé deux autres grandes dames avec qui Lionel a déjà collaboré, Catherine Chabaud et Isabelle Autissier. Cette dernière se classe d’ailleurs 17ème de cette même édition aux côtés de Sidney Gavignet, Florence Arthaud terminant 12ème associée à Philippe Poupon.

Mais est-ce la nouvelle Transat Paprec aurait ce format double mixte sans la persévérance et les sept participations de Jeanne Grégoire ? 12ème en 2002 avec Arnaud Boissières, 5ème avec Sam Davies en 2004 , 3ème en 2006 avec Gérald Veniard, 5ème en 2008 avec Nicolas Lunven, 2ème en 2010, 3ème en 2012, 6ème en 2014 toujours avec Gérald Veniard, même si la victoire s’est refusée à elle, celle qui est aujourd’hui Directrice du Pôle Finistère course au large de Port-la-Forêt, LA fabrique de champions mondialement reconnue, ne peut qu’apprécier le virage de la mixité pris et officiellement reconnu.