Ils vivent face à la mer Andaman depuis des générations et n'envisagent pas qu'il en soit autrement. Les "gitans" thaïlandais de la mer risquent pourtant d'être chassés de leurs terres par l'avancée inexorable des complexes touristiques.
Avec la création de réserves naturelles marines, la diminution des stocks de poissons et la frénésie des constructions, les "Chao Lay" ou "gens de la mer" ont de plus en plus de mal à perpétuer leurs traditions ancestrales. Un exemple parmi d'autres de la pression que subissent les minorités autochtones dans un pays qui a vu le nombre de touristes atteindre un niveau record de 22 millions l'an dernier.
"Je vivais déjà ici quand c'était la jungle", lance Nang Miden, 78 ans, assis à l'extérieur de sa bicoque du village de Rawai, où vivent quelque 2.000 gitans de la mer. Ses ancêtres s'étaient appropriés cette langue de terre, sur l'île de Phuket, bien avant qu'elle ne devienne l'une des destinations touristiques les plus populaires du royaume. "Je n'ai nulle part ailleurs où aller".
Et le combat pour rester s'annonce compliqué. De nombreux Chao Lay ne savent ni lire, ni écrire. Le concept de propriété leur est étranger. Ils ignoraient donc qu'ils pouvaient enregistrer la terre à leur nom et beaucoup d'entre eux n'ont aujourd'hui aucun titre de propriété. Un promoteur immobilier est ainsi devenu le propriétaire du terrain sur lequel il vit, et veut déplacer plusieurs familles vers l'intérieur des terres. Descendant de riverains de la plage, désormais parcourue d'une suite ininterrompue de constructions, Nang est menacé d'expulsion.
Peu à peu, chaque caractéristique de leur existence est menacée. Jadis nomades, vendant poissons, concombres de mer et autres richesses de l'océan, ils se sont sédentarisés ces dernières décennies et font face aux menaces d'arrestation et de saisie de leurs bateaux en pêchant dans les parcs nationaux. Sans oublier les tensions avec les plongeurs qui sabotent parfois leurs nasses. "Les endroits où nous pouvons travailler se sont réduits de plus en plus. Quoi que nous fassions, ça ne va pas", dénonce Nirun Hyangpan, représentant de la communauté de Rawai.