Des caméras dernier cri, des plongeurs fascinés et au centre du film un grand poisson à l'allure préhistorique: le coelacanthe, cousin de nos ancêtres venus sur la terre ferme il y a 365 millions d'années.
Un an après, les images d'une expédition sans précédent débarquent sur Arte ce samedi.
Coelacanthe, plongée vers nos origines, de Gil Kebaili, a été tournée il y a un an dans la baie de Sodwana, dans le sud-est de l'Afrique du Sud. "100 mètres d'eau. Vu de la lune, c'est un mince ruban à peine négligeable", raconte le biologiste et plongeur Laurent Ballesta, à l'origine du projet. Mais en plongée, "c'est un voyage dans le temps" ou une "faille spatio-temporelle", "de la science fiction". Le coelacanthe est un poisson unique qui "conserve des informations très importantes sur la sortie des eaux des vertébrés", a expliqué Gaël Clément, paléontologue et membre de l'expédition. Il est le cousin éloigné d'un groupe disparu qui a donné naissance aux tétrapodes, les premiers vertébrés à quatre pattes, dont une branche arrivera jusqu'à l'homme, et le coelacanthe porterait en lui les traces du passage entre le poisson et ces créatures terrestres. Pour cette expédition, quatre semaines ont été nécessaires pour rechercher les coelacanthes, filmer et décoder dans les profondeurs leurs mouvements si particuliers grâce à des caméras spécialement conçues, prélever leur ADN, ou encore les doter d'une balise pour connaître leur quotidien.
Chasseur nocturne
S'il a évolué au cours des temps, sa silhouette n'a pas tant changé, et surtout, il a des os dans quatre de ses nageoires - le seul poisson dans ce cas - et une poche d'air qui serait une ébauche de poumon primitif. Jusqu'en 1938, on ne connaissait le coelacanthe que sous une forme fossile, ce qui avait fait croire à sa disparition à la même époque que les dinosaures. Puis, un pêcheur sud-africain en a ramené un dans ses filets, évènement considéré alors comme l'une des plus grandes découvertes zoologiques du XXe siècle.
Il a fallu attendre 15 ans pour découvrir un autre spécimen. Depuis, seuls un peu plus de 300 individus ont été répertoriés en Afrique du Sud, à Madagascar, aux Comores et en Indonésie. Des spéciments ont été pêchés pour être examinés, mais jamais le coelacanthe n'avait été observé scientifiquement dans son milieu naturel.
Le documentaire revient sur cette équipée avec des plongées extrêmes, à haut risque. La joie immense de croiser, dès la première descente, ces poissons placides à la robe bleue tachetée de blanc et aux gros yeux vitreux. Puis les longues heures à remonter, palier par palier, la déception au coeur de ne pas en avoir croisé les jours qui suivent. Sans parler des déconvenues techniques.
L'expédition et le film s'achèvent sur la dernière plongée. Une balise est alors fixée sur un coelacanthe d'1m30. L'équipe scientifique espère que l'engin, programmé pour se détacher neuf mois plus tard, parvienne jusqu'à la surface et envoie vers un satellite un résumé des informations collectées.
En revanche, elle n'ose espérer retrouver la petite balise, contenant des détails bien plus précis, au milieu de l'océan tumultueux. Et pourtant, ce fut le cas, le 9 février.
Aussi, on sait désormais que le coelacanthe vit dans des eaux entre 18 et 22°C, sort toutes les nuits de sa grotte pour aller chasser, ou descendre encore jusqu'à 380 mètres de profondeur.
En revanche, il faudra encore "énormément de temps" pour modéliser en 3 D ses mouvements, "une nage très complexe" et "essayer de comprendre comment pouvaient nager les animaux à l'origine des vertébrés terrestres", explique le chercheur Gaël Clément.
Au moins une autre expédition sera nécessaire pour placer des balises sur d'autres coelacanthes.
Autant d'informations précieuses pour aussi mettre en place une politique de conservation. Car s'ils "ont l'air d'avoir résisté à tout", souligne Gaël Clément, "ils ne sont absolument pas habitués à la présence humaine, et la pêche intensive les met en danger".